Giancarlo De Cataldo & Carlo Bonini, Suburra

Rome, objet des convoi­tises mafieuses !

Avec Sub­urra, les auteurs pour­suivent le récit d’une saga mafieuse dans la Rome de la fin du XXe siècle et du début du XXIe siècle. On retrouve Samou­raï, un ex-leader fas­ciste devenu truand de haute volée.  En 1993, trois hommes aux ordres de Samou­raï cam­briolent, avec la com­pli­cité de cara­bi­niers, une chambre forte qui abrite les richesses et les secrets de magis­trats, avo­cats, notaires, flics… Sur les neuf cents coffres, cent quatre-vingt-dix-sept seule­ment l’intéressent. Le butin remis, les trois hommes sont exécutés.

Marco Mala­testa, un jeune lou­bard de dix-huit ans, croit aux prêches du Samou­raï lorsque celui-ci parle d’actes révo­lu­tion­naires. Aussi, quand il découvre qu’il n’est qu’un dea­ler, il veut le tuer. Il manque son coup et se fait mar­quer au visage. Sa bles­sure cica­tri­sée, il se pré­sente à la caserne des cara­bi­niers.
Quelques années plus tard, le député Per­icle Mal­gradi, cham­pion de la chré­tienté, est en com­pa­gnie de deux pros­ti­tuées quand l’une d’elle décède. Affolé, il accepte l’aide de Sabrina et de Spa­dino pour se débar­ras­ser du corps en toute dis­cré­tion. Spa­dino, un dea­ler du gang des Gitans, fait alors chan­ter le député, gros consom­ma­teur, pour deve­nir son four­nis­seur exclu­sif. Mais Numéro Huit, qui règne sur Ostie avec son groupe, ne l’entend pas ainsi. Il donne rendez-vous à Spa­dino, le tue et fait brû­ler le corps et la voi­ture.
Marco Mala­testa, devenu Lieutenant-colonel du ROS, les forces spé­ciales des cara­bi­niers, veut la peau de Samou­raï. Ce der­nier mène un pro­jet immo­bi­lier colos­sal et gère un équi­libre pré­caire entre les gangs, les réseaux poli­tiques, reli­gieux. Mais le meurtre de Spa­dino est le grain de sable qui va mettre à mal, dans le sang, sa belle combinaison.

Pour la construc­tion de leur récit, les auteurs s’appuient sur la rubrique des faits divers, sur des infor­ma­tions dif­fu­sées dans les médias. À par­tir de ces faits véri­diques, ils conçoivent une intrigue qui colle à la gale­rie des per­son­nages, une gale­rie où la dicho­to­mie n’est pas de mise. Si l’on trouve d’un côté des affreux, des tueurs et tor­tion­naires sans pitié, de l’autre des che­va­liers défen­seurs de la loi, les roman­ciers placent, entre les deux, une popu­la­tion à la mora­lité mou­vante qui oscille, selon les cir­cons­tances vers le mal ou vers le bien. Il faut remar­quer que tout ce beau monde se drogue à qui mieux mieux. C’est une foule, aux narines enfa­ri­nées, qui a besoin de beau­coup d’argent ou d’une place don­nant un accès pri­vi­lé­gié à aux drogues.
Les auteurs  mettent en scène toutes les couches sociales d’affairistes, depuis ces gangs qui, implan­tés sur des ter­ri­toires, mettent tout en œuvre pour les défendre, jusqu’à des reli­gieux du Vati­can qui jugent bons d’être dans les filières qui rap­portent, quelle que soit l’odeur de l’argent. Ils dépeignent ainsi toute une foul­ti­tude, des bas-fonds au som­met, des tueurs sans scru­pules aux hor­ribles hypo­crites qui fré­quentent les lieux les plus luxueux.

Ce récit, sou­tenu par une écri­ture jubi­la­toire, fait alter­ner des scènes de roman très noir et des tableaux de mœurs, la comé­die et la tra­gé­die, ser­vis par des per­son­nages ambi­gus, troubles, et d’admirables figures de femme. Pré­mo­ni­toire, ce roman, paru en Ita­lie en 2013, pré­fi­gure le scan­dale qui a éclaté à Rome en 2014–2015, avec l’affaire de Mafia Capi­tale qui a vu l’arrestation de dizaines d’élus romains impli­qués dans des affaires de cor­rup­tion, détour­ne­ments…
Ce roman magni­fique, dense, puis­sant, se lit avec pas­sion, avec une ten­sion entre­te­nue par les rebon­dis­se­ments à foi­son d’une intrigue menée avec maestria.

serge per­raud

Gian­carlo De Cataldo & Carlo Bonini, Sub­urra (Sub­urra), tra­duit de l’italien par Serge Qua­drup­pani, Édi­tions Métai­lié, Biblio­thèque ita­lienne – Noir, jan­vier 2016, 480 p. – 23,00 €.

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Filed under Pôle noir / Thriller

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