Entretien avec Jean-David Jumeau-Lafond (Naissance du fantôme)

Jean-David Jumeau-Lafond est his­to­rien d’art, spé­cia­liste de la période sym­bo­liste… et maître ès fantômes…

Depuis les ter­reurs enfan­tines qu’inspirent les trous d’ombre aux rêve­ries que sus­citent brumes et gre­niers endor­mis dans leur léthar­gie pous­sié­reuse, en pas­sant par un attrait immo­déré pour ces spectres engen­drés par les écri­vains, les peintres et les cinéastes, je puis dire qu’entre les fan­tômes et moi, c’est une his­toire de tou­jours. Mais qui pour­rait n’en pas dire autant… Quoi d’étonnant, alors, qu’au terme de ma ren­contre avec Jacques Damade je lui aie demandé si je pou­vais empor­ter Nais­sance du fan­tôme  ? Une antho­lo­gie que le titre à lui seul rend attrayante — séduc­tion rehaus­sée encore d’une cou­ver­ture gris-de-brume, cou­leur d’entre-deux-mondes… je goû­tai à sa lec­ture un inef­fable plai­sir. Mais qui ne me suf­fi­sait pas et me ren­dait curieuse : outre la pro­fonde beauté des textes, tous d’une élé­gance insigne, je décou­vrais aussi des notices d’introduction et des com­men­taires d’une très grande finesse, empreints d’une éru­di­tion immense mais pliée avec art au désir de la rendre com­pré­hen­sible par le plus grand nombre.
 
Y est cer­née avec une telle per­ti­nence la spé­ci­fi­cité des fan­tômes que l’on croise dans les œuvres de la fin du XIXe siècle que j’en vins à me dire que l’architecte de ce volume un peu bru­meux d’aspect devait, à ses heures, entre­te­nir quelque com­merce fan­to­ma­tique… Sou­cieuse d’en apprendre davan­tage sur la genèse du livre, sur cette fin de siècle, aussi, qui long­temps m’attira sans que je dépasse jamais le stade d’un attrait rêvé, je sol­li­ci­tai un entre­tien auprès de Jean-David Jumeau-Lafond. Il accepta aus­si­tôt et pro­posa que l’interview ait lieu chez lui. Nul autre cadre — sauf peut-être une cathé­drale en ruine gran­die par une pleine lune au mieux de sa forme — n’aurait pu mieux seoir au sujet de la conver­sa­tion pro­chaine… L’appartement est plongé dans une pénombre légère, le silence s’y écrase sur d’innombrables œuvres d’art et objets pré­cieux (livres, tableaux, gra­vures, sculp­tures…) char­gés d’années, d’histoires, d’émotions et au creux des­quels bruissent des pré­sences. C’est un lieu où l’on sent vibrer non pas une époque par­ti­cu­lière mais plu­tôt une sen­si­bi­lité, une incli­na­tion de l’âme.
L’entretien com­mence, à voix presque basse, comme s’il fal­lait se confor­mer à quelque tacite invi­ta­tion au mur­mure. Et tout le temps qu’il dura, les spectres en res­pec­tèrent le cours : aucune vapeur phos­pho­rique, aucun cou­rant d’air glacé ne vinrent le troubler…


Vous avez publié il y a quelque temps Nais­sance du fan­tôme, aux édi­tions de la Biblio­thèque, et en visi­tant votre site, on réa­lise que vos inté­rêts sont loin de se limi­ter au sym­bo­lisme et aux mou­ve­ments esthé­tiques de la fin du XIXe siècle. Pourriez-vous évo­quer votre par­cours, vos sujets d’étude ?
Jean-David Jumeau-Lafond :
C’est tou­jours très dif­fi­cile de se pré­sen­ter, sur­tout en France, où l’on a tôt fait de col­ler des éti­quettes en fonc­tion de ce que les gens font. En fait d’étiquettes, j’en ai beau­coup trop, elles se collent les unes aux autres et ça finit par faire quelque chose d’assez bizarre. À la base je suis his­to­rien de l’art — c’est la branche que j’ai choi­sie pour mes études, que j’ai menées jusqu’au doc­to­rat. Je suis spé­cia­liste du sym­bo­lisme, plus exac­te­ment de la fin du XIXe siècle. S’il fal­lait déter­mi­ner une éti­quette glo­bale, ce serait celle-là. Mais à par­tir du moment où on tra­vaille sur cette période, qui se carac­té­rise par de constantes inter­con­nexions entre les dif­fé­rents arts, et entre ceux-ci et la science, on ne peut pas se can­ton­ner dans un domaine, ou une dis­ci­pline : on risque de ne pas sai­sir grand-chose de ce qui se joue en poé­sie, en lit­té­ra­ture, par exemple, si on n’a pas une petite idée de ce qui se passe en musique, en pein­ture, ou dans la recherche médi­cale — c’est du moins ainsi que je vois les choses. Je connais des his­to­riens d’art qui sont inca­pables de com­prendre la musique, des lit­té­raires qui ne com­prennent pas du tout la pein­ture… et à un moment ou à un autre, ça se voit, ça se lit et ça s’entend ! je pense que la syn­thèse des arts est vrai­ment indis­pen­sable. Je suis his­to­rien d’art, certes, mais je suis amené à tra­vailler sur la lit­té­ra­ture, le théâtre, la musique, et sur­tout sur les rela­tions entre tous ces arts.

Vous êtes un des­cen­dant direct de Car­los Schwabe, est-ce cette parenté qui a motivé votre inté­rêt pour la fin du XIXe siècle, ou bien y a-t-il une part d’affinités pure­ment per­son­nelles ?
Il est cer­tain que j’ai long­temps vécu à l’ombre de cette figure fami­liale qu’est Car­los Schwabe, peintre illus­tra­teur sym­bo­liste qui a lui-même été très proche des grandes figures lit­té­raires de l’époque. D’ailleurs, j’ai fait ma thèse de doc­to­rat sur son œuvre. Mais je ne pense pas que cela suf­fise à expli­quer mon inté­rêt ; il doit y avoir, aussi, une adé­qua­tion entre ce que repré­sente l’art à cette période-là et ma per­son­na­lité — peut-être ai-je, au fond, un tem­pé­ra­ment mélan­co­lique qui cor­res­pond à tout ce spleen un peu idéa­liste qui baigne cette fin de siècle. Cela dit, je ne veux pas faire de l’auto-analyse de bazar ! L’époque en elle-même a lar­ge­ment de quoi atti­rer : c’est une période très ouverte, très riche ; ce qui peut paraître para­doxal parce que les artistes et les poètes d’alors avaient un sen­ti­ment très aigu de fin du monde. Ils avaient le sen­ti­ment d’évoluer dans un espèce de brouillard où on ne voyait pas d’avenir. Mais l’on s’aperçoit que les arts de ce moment por­taient en germe tout ce qui va suivre. C’est une époque de méta­mor­phose, de trans­for­ma­tion, d’ouverture, où tout se mélange, mais aussi très contras­tée : on trouve à la fois des espèces d’envols idéa­listes très éthé­rés, et une pro­fonde mor­bi­dité ambiante. C’est très ambi­va­lent — on pour­rait dire que c’est une époque maniaco-dépressive… C’est donc cette com­plexité, asso­ciée au sou­ve­nir de Car­los Schwabe, qui m’a poussé à m’intéresser à la fin du XIXe siècle. Puis ensuite on est comme pris dans une sorte d’engrenage, et on n’en sort plus…

Vous vous inté­res­sez aussi à l’art contem­po­rain. Y a-t-il des inter­con­nexions entre les arts de la fin du XIXe et cet art d’aujourd’hui appelé “contem­po­rain” — une expres­sion qui, je pense, excède le seul sens chro­no­lo­gique ?
Il n’y a que très peu de temps, en fait, que l’on parle d’art contem­po­rain : c’est une par­ti­cu­la­rité de notre époque de se pen­cher sur l’art du passé au point de devoir dési­gner, par oppo­si­tion à ce der­nier, l’art d’aujourd’hui par “art contem­po­rain”. Autre­fois, l’art était par défi­ni­tion contem­po­rain.
C’est pen­dant mes études que je me suis inté­ressé d’assez près à cet “art contem­po­rain” : j’avais des amis artistes et cela m’a amené à côtoyer leur milieu — je dois dire que j’en suis un peu revenu… Il y a actuel­le­ment un foi­son­ne­ment mul­ti­forme, où cha­cun a sa propre esthé­tique, et j’avoue que par moments j’ai un peu de mal à voir ce qui fait la dif­fé­rence entre le simu­lacre et l’œuvre authen­tique. L’un et l’autre pou­vant pro­duire les mêmes formes, il est très dif­fi­cile d’avoir une appré­cia­tion juste ; je crois qu’on n’a pas encore le recul suf­fi­sant pour faire le tri. Les cri­tiques d’art par­ti­cu­liè­re­ment avi­sés, ou les his­to­riens les plus brillants, eux, sont capables de per­ce­voir au pré­sent ce qui vaut la peine. Lorsqu’on exa­mine a pos­te­riori les orien­ta­tions de la cri­tique à l’époque sym­bo­liste, on s’aperçoit qu’elle n’a défendu que de grands artistes — cela paraît facile et évident aujourd’hui, mais une telle jus­tesse de juge­ment sur le moment est vrai­ment extra­or­di­naire.
Le sym­bo­lisme, qu’on a voulu très sou­vent voir comme une espèce d’excroissance dans la chro­no­lo­gie, un peu hors de l’Histoire, s’avère, en défi­ni­tive, être une des sources de l’art du XXe siècle. Au fond, les sym­bo­listes sont des concep­tuels avant l’heure… ils placent l’Idée avant toute chose ; la vision passe avant la maté­ria­li­sa­tion plas­tique. Et l’on sait la place que tient le concept dans l’art contem­po­rain — par­fois même ce n’est que ça ! (rires) D’où, je pense, cette décon­nexion crois­sante entre cet art et le grand public. Outre cette filia­tion, on retrouve dans cer­taines caté­go­ries d’œuvres contem­po­raines cette mor­bi­dité, cette fuite face au réel qui carac­té­ri­saient l’art des symbolistes.

Mais les formes que revêt cette mor­bi­dité aujourd’hui sont un peu dif­fé­rentes, non ?
Oui, mais au fond, il s’agit d’un fonc­tion­ne­ment iden­tique, d’une réac­tion aux mêmes phé­no­mènes : aujourd’hui comme à la fin du XIXe siècle, on réagit au recul du spi­ri­tuel, au sur­dé­ve­lop­pe­ment urbain, à l’emprise crois­sante de la science qui pré­tend tout expli­quer — avec les dif­fé­rences induites par le pro­grès bien sûr… Ce qui se tra­dui­sait jadis par un refuge dans le rêve, l’inconscient ou le mythe, par une façon de revi­si­ter le passé loin­tain, et s’exprime aujourd’hui par le pul­lu­le­ment des sectes, par le suc­cès d’Harry Pot­ter et des romans d’heroic fan­tasy, signi­fie en défi­ni­tive un même malaise face à un monde sans ave­nir qui n’a d’autres pers­pec­tives que la ges­tion du maté­riel et de l’économique. Les gens se réfu­gient dans ce qu’ils peuvent… on essaie de s’échapper, de trou­ver une piste dans la spi­ri­tua­lité, le mys­ti­cisme… ou dans des pra­tiques plus fan­tai­sistes comme le feng shui !

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Com­ment est né le pro­jet de Nais­sance du fan­tôme ? Com­ment avez-vous ren­con­tré Jacques Damade ?
J’ai fait la connais­sance de Jacques Damade grâce à des amis com­muns. Nous avons publié ensemble un pre­mier livre, en 1999 [Pro­fes­seur de beauté, Robert de Mon­tes­quiou et Mar­cel Proust, coll. “Les Billets de la Biblio­thèque” — NdR] et ensuite j’ai eu l’idée de lui pro­po­ser cette antho­lo­gie, qui s’inscrivait dans ces recherches tour­nant autour de la spi­ri­tua­lité, de ce qu’on peut repré­sen­ter ou non, du visible et de l’invisible. Pré­si­dait aussi à ce pro­jet la pers­pec­tive de rendre dis­po­nibles des textes qui n’avaient pas été réédi­tés depuis 50, 60, 80 ans ou plus — même si cer­tains sont plus acces­sibles que d’autres, tels ceux de Poe ou de Vil­liers de l’Isle-Adam. L’intention glo­bale était de réunir des textes qui montrent com­ment le fait de convo­quer le fan­tôme, le spectre — au-delà du côté anec­do­tique — est une façon de dire “où est l’esprit ?”. “Esprit es-tu là ?”, comme disent les médiums… à tra­vers leurs invo­ca­tions de fan­tômes, qui sont les esprits des morts, ces écri­vains se demandent, en défi­ni­tive, ce qu’il est advenu de l’âme des vivants dans ce monde tout entier voué au maté­ria­lisme triom­phant et qui ne se pré­oc­cupe plus guère de spi­ri­tua­lité. Les textes rete­nus pour cette antho­lo­gie répondent un peu à ce questionnement-là — qui, d’ailleurs, vaut encore aujourd’hui selon moi : quand on regarde ce qui se passe, les attentats…etc., on peut en effet se deman­der si nos contem­po­rains ont encore une âme.
Bien sûr, le choix des textes demeure arbi­traire, mais il fal­lait choi­sir… En tout cas, on retrouve dans cha­cun d’eux un côté très “écrit” : tous, ou presque, émanent de grands écri­vains. Et puis le sujet lui-même confère à l’écriture une dimen­sion spi­ri­tuelle : le fait de par­ler de fan­tômes, de spectres… implique une recherche appro­fon­die au niveau du lan­gage qui va éle­ver le registre sty­lis­tique, lui don­ner un raf­fi­ne­ment spé­ci­fique. À mes yeux, “Véra”, de Vil­liers de l’Isle-Adam, et “Morella”, de Poe, sont parmi les plus beaux textes qui aient été écrits sur ce thème — d’ailleurs, ils se res­semblent beau­coup. C’est en grande par­tie pour cela qu’ils figurent en tête de l’anthologie.
Et pour par­ache­ver le tout, on a choisi une cou­ver­ture grise, un peu flo­con­neuse… fan­to­ma­tique à sa façon ! Il y a eu un vrai tra­vail édi­to­rial sur l’objet-livre lui-même — et c’est une chose que j’apprécie beau­coup chez Jacques Damade : la fabri­ca­tion du livre est tou­jours soi­gneu­se­ment pen­sée, le papier est beau, les cou­ver­tures sont faites à l’ancienne, au plomb… Ce qui est par­ti­cu­liè­re­ment adapté pour abor­der la période sym­bo­liste, où la biblio­phi­lie était flo­ris­sante. Les sym­bo­listes étaient, en géné­ral, très atta­chés au livre en tant qu’objet. De toute façon, pour par­ler des fan­tômes, il fal­lait un beau livre : ils appa­raissent en suaire, pas dans des rideaux en ter­gal (rires)…

En ce qui concerne le choix des textes, j’imagine que vous aviez au départ un cor­pus assez consé­quent ; est-ce que ça a été dou­lou­reux d’élaguer ?
Non, pas tant que cela : je connais­sais à peu près, dès le départ, le calibre de ce type de volume — je savais donc que je ne devais pas rete­nir un trop grand nombre de textes. Mais j’en avais tout de même prévu quelques-uns de plus… et en fin de compte il a fallu ren­voyer quelques appa­ri­tions dans leurs cavernes ! Nous vou­lions d’abord pro­po­ser des textes inté­res­sants, tout en élar­gis­sant le pro­pos — ce à quoi nous sommes par­ve­nus, me semble-t-il, en incluant des textes sur la pho­to­gra­phie et le récit-témoignage de la séance de spi­ri­tisme chez Huys­mans. Puis il y avait un autre cri­tère de choix : la briè­veté de cer­tains textes qui les rendent impos­sibles à publier ailleurs que dans des antho­lo­gies comme celle-là — par exemple le texte de Roden­bach, qui fait deux pages… Ce genre de petit volume est idéal pour les mettre à la dis­po­si­tion du public. Mais je sais que les libraires n’aiment pas beau­coup ces ouvrages, parce qu’ils ne savent pas trop où les ran­ger — ils leur posent un pro­blème tech­nique ! 
Tou­jours est-il que ce livre a été fait avec cœur, dans un souci de clarté et de lisi­bi­lité. J’ai beau avoir écrit et sou­tenu une thèse, je n’enseigne pas à l’université ; j’échappe un peu à ce jar­gon, à cet esprit par­fois un peu pesant. On peut être scien­ti­fique, rigou­reux, et en même temps aimer écrire, avoir envie de trans­mettre un mes­sage com­pré­hen­sible : si c’est pour que vos pro­pos res­tent dans l’obscurité totale, ce n’est pas la peine de les tenir. Pour com­mu­ni­quer le goût de lire de beaux textes, il faut les pré­sen­ter de manière écrite, qui “coule”… ça me paraît indis­pen­sable. Si on rebute le lec­teur d’emblée, dès la pré­sen­ta­tion, il n’aura pas envie de pas­ser outre l’introduction et d’aller plus loin. Les pré­faces, les pré­sen­ta­tions qui expliquent et légi­ti­ment le pro­jet d’une antho­lo­gie ne doivent donc être ni abs­conses, ni trop longues, et encore moins amphigouriques. 

Est-ce qu’il y a dans l’air des pro­jets de réédi­tion de ces textes demeu­rés inédits ?
Oui, on com­mence à réédi­ter pas mal de choses et il y a des gens qui tra­vaillent là-dessus en ce moment — d’autant que l’époque sym­bo­liste a été par­ti­cu­liè­re­ment féconde, notam­ment en textes assez longs — tel L’Araignée rouge, de Del­phi Fabrice, récem­ment réédité par les édi­tions Terres de brume. Mais il y a encore beau­coup de textes à retrou­ver, à res­sus­ci­ter. Ce qui ne veut pas dire que tous sont des chefs-d’œuvre injus­te­ment oubliés : leur dis­pa­ri­tion du cir­cuit édi­to­rial est par­fois jus­ti­fiée. En même temps, cela ne signi­fie pas non plus qu’ils sont inin­té­res­sants, qu’ils n’ont rien à nous dire aujourd’hui. Reste que pour faire la part des choses, il faut bien connaître la période. Et sur­tout han­ter — c’est le cas de le dire… — les biblio­thèques. Notam­ment la Biblio­thèque Natio­nale — bien que le site où elle se trouve aujourd’hui soit moins pro­pice aux han­tises que les locaux de la rue de Richelieu…

Quels sont vos pro­jets aujourd’hui ? Dans quelles études êtes-vous engagé — pour autant que vous sou­hai­tiez ou puis­siez en par­ler ?
Eh bien dans l’immédiat, c’est l’été, donc le moment de prendre un peu de vacances ! sinon, j’ai récem­ment écrit une pré­face pour une nou­velle édi­tion des Fleurs du mal — un “beau livre” qui doit paraître à la ren­trée aux édi­tions Diane de Sel­liers. Il s’agit de mettre en rap­port l’intégralité des poèmes avec la pein­ture fin de siècle. Le choix ico­no­gra­phique est certes arbi­traire et sub­jec­tif — pra­ti­que­ment aucune des pein­tures choi­sies n’ont été faites pour illus­trer Bau­de­laire — mais c’est néan­moins un parti pris inté­res­sant parce qu’il per­met de voir com­ment les pein­tures de la géné­ra­tion d’après peuvent être mises en lien avec les textes de Bau­de­laire. La démarche peut paraître gênante, déli­cate, mais en fin de compte l’ensemble fonc­tionne bien ; il montre à la fois la richesse de la poé­sie de Bau­de­laire et la grande poly­sé­mie des images de l’époque sym­bo­liste. Cet assem­blage a été pensé par l’éditeur ; je n’ai été asso­cié au pro­jet que sur le tard, uni­que­ment pour la rédac­tion de la pré­face. Mais cela m’a donné l’occasion de me replon­ger dans Bau­de­laire, ce que j’ai d’autant plus appré­cié que mon aïeul Car­los Schwabe a illus­tré Les Fleurs du mal. C’est un livre rare tiré à 77 exem­plaires, dont tous ne sont pas loca­li­sés. Cette édi­tion de biblio­phile a été faite par Charles Meu­nier, un grand relieur de l’époque, et Car­los Schwabe a réa­lisé pour elle une dou­zaine d’illustrations prin­ci­pales, ainsi que des décors flo­raux figu­rant des fleurs un peu véné­neuses, mala­dives, à mi-chemin entre l’animal et le végé­tal.
Pour en reve­nir à mes pro­jets, il y a plu­sieurs petites choses encore trop floues pour que je puisse en par­ler. Mais aussi une échéance plus cer­taine mal­gré le sujet que je vais abor­der : en octobre je par­ti­cipe à un col­loque à l’université de Clermont-Ferrand dont le thème est “L’automne”, et mon inter­ven­tion por­tera sur… le brouillard — le brouillard sym­bo­liste, qui est d’ordre méta­phy­sique, à la dif­fé­rence du brouillard des peintres impres­sion­nistes qui, lui, reste réaliste.

 

Biblio­gra­phie de Jean-David Jumeau-Lafond

 

Le sym­bo­lisme idéa­liste en France, cata­logue de l’exposition pré­sen­tée au Japon d’avril à novembre 2003
Les peintres de l’âme (Paris-musées, 1999)
Car­los Schwabe, sym­bo­liste et vision­naire (ACR édi­tions, 1994)
Mné­mo­syne, textes sur des pho­to­gra­phies de Michel Dubois (édi­tions Louise, 1992)
L’heure du thé, textes sur des pho­to­gra­phies de Michel Dubois (édi­tions Louise, 1990)
Reim­pré : le peintre et la rumeur du monde (édi­tions Frag­ments, 1990)

 

Pré­faces et présentations

Charles Bau­de­laire, Les Fleurs du mal - illus­trées par la pein­ture sym­bo­liste et déca­dente, édi­tions Diane de Sel­liers, 2005 (à paraître)
Nais­sance du fan­tôme - textes d’Edgar A. Poe, Vil­liers de l’Isle-Adam, Jean Lor­rain, Édouard Dujar­din, Camille Mau­clair, Jules Bois, Victor-Emile Miche­let, Henry Kis­te­mae­kers, Georges Roden­bach, Jean-Paul Avice, sui­vis de : Gus­tave Bou­cher, “Une Séance de spi­ri­tisme chez J.-K. Huys­mans”, édi­tions de La Biblio­thèque, 2002
Pro­fes­seur de beauté - textes de Robert de Mon­tes­quiou, Mar­cel Proust et Paul Ver­laine, édi­tions de La Biblio­thèque, 1999
Bleu gazon, plein air sur la pein­ture, cata­logue de l’exposition orga­ni­sée sur l’esplanade de l’Hôtel de ville d’Issy-les-Moulineaux, 15 mai — 4 juin 1990
Autour de Jean Dubuf­fet, Mira­dors (textes et gra­vures réunies à l’occasion de l’inauguration de la com­mande de l’État : “La Tour aux figures”), octobre 1988
Co-direction avec Pas­cale Dubus du n° 8 de la revue L’écrit-voir, “Figures de la mort”


Et au terme de cette lec­ture, une petite visite sur le site de J-D Jumeau-Lafond s’impose…

   
 

Pro­pos recueillis par isa­belle roche au domi­cile de Jean-David Jumeau-Lafond le 8 juillet 2005.

 
     

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