Nadine Agostini propose un exercice de bien « séance » au sens premier du terme. La narratrice se fait renarde. L’homme n’a qu’à filer doux même si sa doll semble des plus obéissantes et patientes : « il revient avec un fauteuil il y pose un coussin il y assoit la doll ». Mais la séance risque de s’éterniser. L’héroïne ne s’en soucie guère cependant et ne s’en offusque pas plus. Elle ne demande rien, n’attend rien. Enfin presque. Répond aux injonctions du mâle. Mais reste aphasique. Seule sa voix intérieure résonne. Fortement.
Elle sait qu’elle n’est pas comme les autres poupées qui acquiescent. A elle, les hommes disent : « après toi c’est le néant ». Elle n’en fait pas une choucroute mais demande simplement — et si cela est vrai — pourquoi ses amoureux (du moins ce qui en tient lieu) l’amènent-à les quitter. En attendant, la cérémonie suit son cours : on évitera les détails jusqu’à l’opéra (entendons « ouverture ») final. C’est un grand spectacle. Le ciel se voit dans la carte du tendre féminin aux charmes labyrinthiques et lacustres. Avant qu’enfin Doll prenne la parole est fasse une sorte d’accusé avant réception de ce qui va clore l’histoire aussi pudique, qu’impudique, innocente et perverse.
Toutefois, les rôles sont inversés dans ce qui est certes possiblement bouillant mais plutôt distancié et amusant. Une nouvelle fois, Nadine Agostini fait avaler un « dolliprane » au lecteur. Dupe de la non dupe, il croit voir ce qu’il lit, prisonnier d’une fable ludique, latente. La femme y est — forcément — fatale mais n’en tire aucune gloire. Elle joue du peu qu’est le dindon de sa farce, le pion d’une Reine vaginale. Sa martingale fait qu’insidieusement tout bouge et se déplace. Tout compte fait, le mâle joue les utilités d’usage.
Le récit poétique semble la délicieuse histoire d’une poupée qui acquiesce. Mais qu’on ne s’y trompe pas : sa largeur d’accès au plaisir ne sera tout compte fait qu’une retraite complémentaire.
jean-paul gavard-perret
Nadine Agostini, La doll, Editions Derrière la Salle de bains, Rouen, 2016 — 6,00 €.