Une vision décapante du monde politique
Après avoir exploré, à la façon d’un Saint-Simon facétieux, les années de Nicolas-le-Mauvais, Patrick Rambaud éclaire la première moitié du règne de François-le-Petit. Il évoque les premiers jours sous la pluie, le message de la marquise de Pompatweet pour soutenir celui qui s’opposait à sa rivale, l’arrivée de M. de Jouyet, grand ami du prince depuis leurs années à Coëtquidan et dans la promotion Croquignol. Il revient sur le chiffre, voulu par le roi Mitterrand, d’un plafond de déficit qu’il pourrait opposer à ses ministres quémandeurs, et sur sa scientifique élaboration. Il présente les affaires Cahuzac duc de Villeneuve, Leonarda, l’arrivée du duc d’Evry…
On retrouve les acteurs des chroniques précédentes dans de nouveaux épisodes hilarants comme l’élection à la présidence du Parti Impérial, qu’il dénomme La Conjuration des Ego (en référence à Babeuf). Il brosse un tableau de François-le-Guerrier partant combattre le terrorisme au Mali, essayant de mettre en place une “moralisation” de la vie publique, le mariage pour tous… Il évoque également les situations où François-l’Anguille demeure absent et fuyant.
Il termine avec une conclusion provisoire d’une tonalité forte, glaçante sur les Crétins, sur tous ceux qui trouvent des bonnes excuses aux massacres, qui acceptent l’inacceptable commis par des barbares : “…débridés en cela par la religion, excellent terreau de la crétinisation des esprits.”
L’auteur brosse des portraits délicieux, synthétiques, d’une grande pertinence et cocasses en diable, pointant avec une vision acérée les faiblesses et les défauts. Mais hélas !, aussi, le talent que mettent ces individus dans leur capacité de nuisance.
On retrouve les principaux acteurs des chroniques précédentes, puisque ce sont toujours les mêmes qui participent à cette gesticulation, à cette pantomime de chaises musicales où le nombre de sièges est équivalent au nombre de participants. Et quand il y a quelques nouveaux, les gens en place rajoutent des chaises, des sinécures qui coûtent un fric fou au contribuable.
Il décrit la manière dont a été décidé les 3% de déficit acceptable. C’est au “doigt mouillé”, sur un coin de table, que ce chiffre a été établi, pour faire joli, un chiffre qui régente la vie de plusieurs centaines de millions d’Européens. C’est effrayant ! En effet, pourquoi d’autres décisions fondamentales ne seraient-elles pas prises de la même façon, sans réflexions, sans la moindre interrogation sur les conséquences ?
Érudit, brillant, maître en drôlerie, Patrick Rambaud nous régale une fois encore avec sa vision de la vie politique, cette singerie grotesque de ces : “…hommes qui, poussés par les événements, ne se hissaient point à leur portée.“
La lecture de cette chronique est un remède contre la morosité, une mini cure de bien-être.
serge perraud
Patrick Rambaud, François-le-Petit — Chronique d’un règne, Grasset, janvier 2016, 240 p. – 16,50 €.