Serge Scotto, Éric Stoffel & A. Dan, Merlusse

Une “pagno­lade” particulière !

À l’occasion du 120e anni­ver­saire de la nais­sance de Mar­cel Pagnol, les Édi­tions Bam­boo com­mencent l’adaptation de ses œuvres en bandes des­si­nées. Après La Gloire de mon père, le choix s’est porté sur Mer­lusse. Si nombre des films qu’il a réa­li­sés étaient des adap­ta­tions de ses pièces de théâtre comme Marius, Fanny, Topaze…, Mer­lusse est le pre­mier scé­na­rio spé­cia­le­ment écrit par Mar­cel Pagnol pour le cinéma. Tour­née en 1935, c’est une des œuvres mécon­nues de l’auteur. Aussi, la paru­tion de ce récit à la façon d’un conte de Noël est l’occasion de décou­vrir ce petit bijou sur les rela­tions humaines, sur l’importance accor­dée à l’apparence phy­sique et sur le col­por­tage d’idées fausses, de médi­sances, voire de calom­nies.
Le récit se déroule au Grand Lycée de Mar­seille, la veille de Noël. Les élèves sont appe­lés au par­loir pour rece­voir leur bon de sor­tie et pas­ser les fêtes de la Nati­vité dans leur famille. Le Pro­vi­seur et le Cen­seur orga­nisent la vie des pen­sion­naires qui res­tent, ceux dont les parents sont trop éloi­gnés ou ne peuvent les prendre pour dif­fé­rentes rai­sons.
Blan­chard, le der­nier répé­ti­teur arrivé dans l’établissement, n’est pas aimé de ses col­lègues et ter­ro­rise les élèves. Blessé au visage, borgne, il a un phy­sique peu agréable. Sa mise, un peu négli­gée, a amené les élèves à le sur­nom­mer Mer­lusse… parce qu’il sent la morue. L’usage veut que ce soit le der­nier arrivé qui assure l’étude du soir la veille de Noël. Mais des inci­dents et des contre­temps vont venir brouiller cette belle organisation.

Marcel Pagnol aimait les mots et offrait des dia­logues pétillants, des réflexions et remarques colo­rées, frap­pées du bon sens. Ils étaient ser­vis par des acteurs qui réga­laient avec l’accent du cru. Un des écueils, par­fai­te­ment évité, consis­tait à ne pas trop char­ger les pages en texte tout en conser­vant la saveur et la richesse du voca­bu­laire. Bien que ces pièces aient été écrites il y a plus de quatre-vingts ans, elles conservent tou­jours la même moder­nité, l’Homme ne chan­geant pas. Sa capa­cité de nui­sance est immuable au fil des âges, celle-ci n’évoluant qu’en fonc­tion des pro­cé­dés et de la tech­no­lo­gie. Bien que ! Ne supposait-on pas que la déca­pi­ta­tion au sabre était de l’histoire ancienne… La bar­ba­rie reste la même !
L’auteur conçoit son récit avec les règles clas­siques du théâtre : unité de lieu, unité de temps… C’est Nico­las Pagnol, le petit-fils de Mar­cel, qui a su convaincre Hervé Richez, le direc­teur de la col­lec­tion Grand Angle. Les œuvres sont scé­na­ri­sées par Serge Scotto et Éric Stof­fel. Le pre­mier est le petit-cousin de Vincent Scotto, ce com­po­si­teur, ami de Mar­cel, qui a signé la plu­part des musiques de ses films.

Le des­sin de Mer­lusse a été confié à A. Dan qui a su com­po­ser une gale­rie de per­son­nages très étof­fée, don­nant à cha­cun une spé­ci­fi­cité qui rend la lec­ture facile. L’enjeu, cepen­dant, était de taille. Les cou­leurs sont de Magali Paillat qui a su rendre l’atmosphère assez morose qui règne dans le lycée occu­pés par les « oubliés ».
Mer­lusse est une œuvre à décou­vrir ou redé­cou­vrir sans tar­der. Cet album est une occa­sion unique.

serge per­raud

Serge Scotto (scé­na­rio), Éric Stof­fel (scé­na­rio), A. Dan (des­sin), Magali Paillat (cou­leurs), Mer­lusse, Bam­boo, coll. “Grand Angle”, novembre 2015, 72 p. – 15,90 €.

Leave a Comment

Filed under Bande dessinée

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>