Les œuvres de Muriel Napoli sont d’étranges romances sans paroles. La réalité en disparaît pour mieux en jaillir dans un paradoxal déchiffrement du monde. Il s’agit d’une conversion, d’un renversement par fluidité du langage plastique : les formes s’engendrent les unes les autres pour faire passer d’un état dans un autre.
Cultivant ce qui déroute, Muriel Napoli ouvre un monde qui ne se laisse pas saisir d’emblée. Existent parfois des transmissions d’un noir étrange qui arrachent l’œuvre à une simple narration. L’artiste ramène à la question insoluble du sens de l’image là où quelque chose travaille et rampe dans le silence entre lumière et effacement, loin des illusions dérisoires de la réalité. Surgit la rencontre émotionnelle avec la poésie. Elle déplace les repères afin de toucher des vérités sourdes, fondamentale. En une haute exigence émane la quête du dépouillement et de l’ouverture par l’approche de l’ineffable.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Un café, une séance de yoga et la perspective de peindre.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
C’est bizarre, mais je n’en avais pas. Je n’arrivais pas à me projeter à l’âge adulte.
A quoi avez-vous renoncé ?
Au superflu.
D’où venez-vous ?
D’un endroit marqué par la solitude.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
La persévérance, le goût du travail bien fait.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Regarder les étoiles. Et situer la terre dans l’univers. Cela me permet de relativiser.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
Rien, vraiment. Je crois que nous avons les mêmes doutes, les mêmes envies, la même passion, les mêmes craintes.…
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Vers l’âge de 6 ans, un masque de carnaval, dans l’escalier. Il me faisait peur, pourtant, c’est moi qui l’avais peint.
Et votre première lecture ?
« Les petites filles modèles », livre offert par ma grand-mère. Je ne me souviens pas des précédentes lectures.
Pourquoi votre attirance vers l’abstraction ?
Elle me permet d’avoir plusieurs lectures d’un même tableau. D’être plus libre. Et de laisser place à l’imprévu.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Du rock essentiellement. Cela me donne de la vitalité.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
« Trois chevaux » d’Erri de Luca.
Quel film vous fait pleurer ?
« Requiem for a dream ».
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Une fille qui pourrait faire un effort.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Je ne me souviens pas d’avoir eu envie d’écrire à quelqu’un en particulier.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Le Mont Fuji.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Jean Miotte, pour le mouvement. Le Caravage pour le clair-obscur. Parmi les écrivains, Alain Mabanckou, Ian McEwan, Nancy Huston, George Sand.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Je ne fête pas mon anniversaire
Que défendez-vous ?
Le droit à la différence.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Je préfère : « L’amour, c’est donner quelque chose, sans rien attendre en retour. » Autrement, on va au-devant de grandes désillusions.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
J’aime. C’est très positif.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Il y en a sûrement beaucoup, mais je me suis assez dévoilée.
Entretien et présentation réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 24 janvier 2016.
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