Wilfrid Lupano, Lucy Mazel & Anthony Jean, Communardes ! : “Les Éléphants rouges”, “L’Aristocrate fantôme”

Les pre­miers mou­ve­ments fémi­nistes de l’Histoire de France

La Com­mune de Paris, une période d’à peine trois mois, est deve­nue le sym­bole des révo­lu­tions socia­listes. Wil­frid Lupano évoque cette courte époque à tra­vers le par­cours de trois héroïnes, à trois époques dif­fé­rentes. L’intrigue des Élé­phants rouges se déroule pen­dant le siège de Paris par les Prus­siens, lors de l’hiver 1870, L’Aristocrate fan­tôme décrit la créa­tion, au prin­temps 1871, du mou­ve­ment de l’Union des femmes pour la défense de Paris et l’aide aux bles­sés. Le troi­sième volet, à paraître bien­tôt, se situe pen­dant “La semaine san­glante”, qui signe la fin de la Com­mune.
Pen­dant l’hiver 1870, les Pari­siens assié­gés subissent le froid et la faim. Pour défendre la ville, des femmes veulent consti­tuer les bataillons des Ama­zones de la Seine. La mère de Vic­to­rine, une cou­tu­rière sans tra­vail, bien que séduite par l’idée d’un tel enga­ge­ment pour l’égalité des sexes, voit aussi l’opportunité d’une rému­né­ra­tion même si elle est faible. Sa fille, de onze ans, se pas­sionne pour Cas­tor et Pol­lux, les deux élé­phants du Jar­din des plantes. Elle négo­cie, avec le gar­dien qui a de nou­velles tâches à accom­plir, une faible rétri­bu­tion pour s’occuper des deux bêtes. Les bataillons ne voient pas le jour, le pré­sident du Gou­ver­ne­ment de Défense natio­nale s’y oppose. Tout à sa pas­sion pour les pachy­dermes, Vic­to­rine veut deve­nir La Dame aux élé­phants et éla­bore un plan de libé­ra­tion de Paris ins­piré par les exploits d’Hannibal. Mais une petite fille livrée à elle-même dans un mode d’adultes…

L’Aris­to­crate fan­tôme débute à Londres en avril 1871. Engels et Marx attendent des nou­velles de leur “Rus­sian Lady”, l’informatrice qu’ils ont envoyée à Paris pour tout connaître de la Com­mune. Dans la ville assié­gée par les troupes de Thiers, la com­tesse Eli­sa­beth Dmi­trieff, intro­duite vers des res­pon­sables par une lettre de Marx, a pris la pré­si­dence de l’Union des femmes pour la défense de Paris et mène des actions qui effraient, voire choquent. Son carac­tère trempé lui donne accès aux sphères diri­geantes de la Com­mune où elle négo­cie âpre­ment de nou­veaux sta­tuts pour les femmes. Elle réus­sit à obte­nir l’autorisation de réqui­si­tion­ner deux ate­liers pour les faire fonc­tion­ner en coopé­ra­tive par les ouvrières. Elle met sur pied des bataillons qui iront au com­bat.
La Com­mune de Paris repré­sente une paren­thèse dans l’Histoire et un des pre­miers sou­lè­ve­ments du peuple basé sur des dogmes socia­listes. Avec ces por­traits de femmes, le scé­na­riste raconte la lutte menée pour conqué­rir des droits aux­quels elles aspi­raient quel que soit leur sta­tut social. C’est ainsi que mon­tèrent aux bar­ri­cades des ouvrières, des pros­ti­tuées, des bour­geoises fran­çaises et étran­gères, ano­nymes dans leur écra­sante majo­rité, célèbres comme la figure emblé­ma­tique de Louise Michel.

Wilfrid Lupano retrace bien les réti­cences, les freins, les oppo­si­tions même au sein de la popu­la­tion fémi­nine pour cette évo­lu­tion. Les théo­ri­ciens de la révo­lu­tion sociale lais­saient de côté les femmes, res­tant atta­chés à des idées rétro­grades, « petit-bourgeoises ». Ainsi, Pierre-Joseph Prou­dhon avait des dis­cours de cette teneur : “Une femme ne peut plus faire d’enfants quand son esprit, son ima­gi­na­tion et son cœur se pré­oc­cupent des choses de la poli­tique, de la société, de la lit­té­ra­ture.” ou “Elle (la femme) est inca­pable de sou­te­nir la ten­sion céré­brale de l’homme.“
Le gra­phisme des Élé­phants rouges a été confié à Lucy Mazel et celui de L’Aristocrate fan­tôme à Anthony Jean. Cha­cun, avec leur style propre, offre des mises en images de grande qua­lité, des vignettes pré­cises, fouillées, dyna­mique et attrac­tives. Cette série se révèle pas­sion­nante. Sans être une bande des­si­née his­to­rique, elle éclaire une des luttes menées par les femmes pour par­ti­ci­per aux déci­sions qui trop sou­vent les touchent direc­te­ment sans qu’elles aient leur mot à dire.
Ces deux pre­miers tomes de Com­mu­nardes ! font attendre le troi­sième volet avec impatience.

serge per­raud

Wil­frid Lupano (scé­na­rii), Lucy Mazel (des­sin et cou­leurs) &  Anthony Jean (des­sin et cou­leurs), Com­mu­nardes !,

- Les Élé­phants rouges et

- L’Aristocrate fan­tôme,

Vents d’Ouest, sep­tembre 2015, 56 p. – 14,50 € l’album.

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