Edwarda aux mains d’or – Madeleine Froment
No country for the men, tel pourrait être le titre d’un tel travail où les femmes sont maîtresses des lieux. Toutefois, Madeleine Froment n’est pas indifférente aux hommes. Les Minotaure plus que ceux qui ont des pensées à méandres (mais ceci est une autre histoire – ou presque). D’autant que les scènes se dédoublent plus qu’elles ne se montrent vraiment. Elles sont crues mais poétiques dans leur genre. Exit les exutoires platement libidineux. L’artiste les « rétropulse » tant sa vision intelligente reste froide même si le brûlant du désir peut faire envisager les photographies et les dessins comme de la visibilité cutanée. Le corps jouxte soudain des abîmes de la féminité. Et le voyeur ne peut dans certains dessins contempler que sa chevelure. Certes, parfois ceux-ci deviennent plus précis et leur laine n’est pas celle des moutons.
Serrurière des Paradis, Madeleine Froment crée divers types d’affinités électives. Les êtres sont beaux plus qu’érotiques. Seules ou en meutes, les égéries forment un parterre de fleurs vagabondes et magnétiques. L’artiste entretient les dons vénéneux mais salutaires de ses modèles (ses semblables ? ses sœurs ?). De ce qu’on nomme amour, l’artiste fait le lieu du mythe plus que de l’interdit. L’écriture plastique dans sa subtilité en organise les variations et les dissidences pour une odyssée reviviscente. Il existe des « foxy ladies » de divers genres, des ballerines dont Madeleine Froment multiplie les arabesques.
L’image d’une féminité libre reste majeure et l’artiste la sublime en « furor » poétique. Elle prend des aspects hallucinatoires ou réalistes. Preuve qu’Eros n’est pas traité par-dessus la jambe. Existent divers huis clos que même les frères Coen ne pourraient mettre en scène. L’érotisme n’est plus un spectacle de cirque. L’artiste y expérimente un travail formel à plusieurs niveaux. On est loin des dessins ou photos dites « de charme » — même si celui existe mais est d’un autre niveau.
L’artiste suggère souvent par l’aporie comme par l’évidence le caché. Le plus souvent, nul besoin de tout montrer : les esquisses suffisent à la volupté là où les femmes ne sont pas là simplement pour être admirées. Elles deviennent le ferment de cérémonies que les photographes hommes sont incapables de ritualiser. Mais, en Ariane, Madeleine Froment dit à ses Thésée de ne pas s’inquiéter. Et dès qu’elle les sort de leur labyrinthe, elle va défaire leurs liens.
jean-paul gavard-perret
Madeleine Froment, Le Blason,
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