Le fils illégitime d’Artaud : entretien avec Pascal Tarraire

Addict aux images – mais pas seule­ment -, Pas­cal Tar­raire est un écor­ché vif. Il fait sur­gir de l’ombre la lumière des femmes selon une étran­geté magique, un éro­tisme par­ti­cu­lier. La mani­fes­ta­tion de la vie et le mys­tère de la nudité res­tent sub­ti­le­ment montrés/cachés. A l’imaginaire du regar­deur d’imaginer. Le pho­to­graphe sait le sti­mu­ler. Le cœur de chair vient à la ren­contre du voyeur sans qu’il soit invité à se satis­faire de ce qui est mon­tré.
Pas­cal Tar­raire porte sur le corps fémi­nin — comme sur le pay­sage — une atten­tion douce et sub­tile. La saveur s’alimente d’une forme d’aporie pleine de finesse. La femme est tout autant Lilith qu’abbesse. Un ruban ou un voile de ten­dresse enroule son corps mais le ruis­sel­le­ment d’une main au fluide pai­sible mêle la séduc­tion au vide. Dans l’escarpement du val­lon, le sou­pir s’éternise, il entraîne une frac­ture irré­duc­tible. Néan­moins, la ten­ta­tion devient pres­sante : il faut soit cal­feu­trer les portes des fan­tasmes, soit reprendre une place dans le tra­fic des espé­rances sans son­ger aux décep­tions de la jeunesse.

 Entretien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Le lien que j’essaie d’entretenir avec la Beauté : celle du monde, celle des filles, celle de l’Art, de l’architecture, du cinéma …

Que sont deve­nus vos rêves d’adolescent ?
Je tente de les vivre mais hélas ! : “Qui pleu­rait déjà toute petite, en pen­sant qu’il y avait tant de petites bêtes, tant de brins d’herbe dans le pré et qu’on ne pour­rait pas tous les prendre …” (Anouilh, Anti­gone)

A quoi avez-vous renoncé ?
A rien, je n’y arrive pas, c’est ce qui me rend si tor­turé. c’est le signe même de ma folie ; ne renon­cer à rien !

D’où venez-vous ?
Du néant car je ne crois pas qu il y ait une vie avant la vie.

Qu’avez-vous reçu en dot ?
Le pou­voir, la fas­ci­na­tion des images.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
La mas­tur­ba­tion à réha­bi­li­ter de toute urgence ; quo­ti­dienne non ! n’abusons pas des meilleures choses !

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres artistes ?
La ques­tion de la légi­ti­mité d’en être un ou pas me pré­oc­cupe bien plus que celle qui m’en différencierait.

Quelle est l’ image qui vous inter­pella le plus ?
Fer­di­nando Scianna, Bey­routh, guerre civile 1976. Un mili­cien tirant avec un M16 avec une image de la vierge sur la crosse.

Et votre pre­mière lec­ture ?
« Voyage au bout de la nuit » de Céline.

Pour­quoi votre atti­rance pour l “Eros” ?
Car c’est la moins ratée des rela­tions humaines (pas la plus réus­sie, non, non ! mais la moins catas­tro­phique : les autres sont pires encore ! )

Quelles musiques écoutez-vous ?
La plu­part des chan­sons de Sou­chon, mais en par­ti­cu­lier “Le Bagad de Lann Bihoué” ou “Tout m’fait peur”.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
Je n’en ai pas le temps car je me jette en per­ma­nence dans tout ce qu’il me reste à lire dans l’utopie folle de tout lire, tout voir, tout embras­ser ! (“on avance, on avance, on n’a pas assez d’essence pour faire la route dans l’autre sens, alors on avance”)

Quel film vous fait pleu­rer ?
Le pas­sage quasi final de « Blade Run­ner » : “J’ai vu tant de chose que vous humains ne pour­rez pas croire. De grands navires en feu sur­gis­sant de … ”

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Un homme qui a plu à quelques femmes heu­reu­se­ment mais qui aurait tant désiré plaire à toutes les jolies : et ce de manière déraisonnable.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Personne

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Le minus­cule monas­tère baroque de Trhové Sviny en Répu­blique Tchèque.

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Houel­le­becq, Truf­faut, Modi­gliani, Klimt, Schiele mais sinon en géné­ral : le mou­ve­ment manié­riste et baroque.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Voir les deux sublimes filles de la classe de mon lycée, vous savez, celles que vous n’avez jamais eues, celles dont vous rêvez encore main­te­nant 30 ans après, celles qui ne savaient même pas que vous exis­tiez, celles pour qui vous étiez une quan­tité si négli­geable … les voir s’embrasser, se désha­biller, se faire faire leur pre­mier cun­ni­lin­gus féminin.

Que défendez-vous ?
Rien sinon, l’idée de fer­mer les écoles et d’agrandir les cimetières.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Ce mot ” amour” est inconnu pour moi, je ne com­prends même pas com­ment Lacan puisse perdre du temps à réflé­chir à cette notion vide : car, c’est entendu, les humains se détestent eux-mêmes et se détestent les uns les autres. Mais heu­reu­se­ment, ils ont autre chose de bien plus inté­res­sant qui fait inter­stice entre eux : leur rap­port au corps de l’autre .… rap­port qui est beau­coup plus intense, plus beau, plus pur que tout au monde !

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?“
A
vez vous des troubles de la mémoire immé­diate ?

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?

Quelle est la photo dont vous aime­riez être l’auteur ?

Entre­tien et pré­sen­ta­tion réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 12 jan­vier 2016.

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