Les ouvrages qui conjuguent l’amour des belles-lettres avec celui des chats sont a priori faits pour me séduire, et c’est avec regret que je m’avoue déçue par ces deux-là. Les Chats des écrivains, très joliment illustré par Loïc Sécheresse, est une réédition partielle du Dictionnaire des chats illustres (éd. Honoré Champion, 2014), qui n’est pas dépourvue d’intérêt, mais dont les auteurs et le nouvel éditeur n’ont manifestement pas fait le travail de relecture et de correction qui s’imposait, si bien que le lecteur est fréquemment contrarié par les maladresses, les redites, les impropriétés, voire les erreurs qu’il relève dans le texte.
Ainsi, dans un seul et même chapitre, aux pages 39 et 40, à propos d’Hemingway, on lit d’abord : « Il les préfère en noir et blanc – ou bien est-ce le hasard ? », puis : « Hemingway avait-il une passion pour les chats polydactyles, dotés de six doigts à chaque patte, ou était-ce le hasard ? »
Les frères Goncourt, eux, sont présentés en ces termes : « Edmond de Goncourt (1822–1896) fut, avec son frère Jules, classé dans l’école naturaliste. Tous deux journalistes, romanciers, mémorialistes, historiens du XVIIIe siècle, artistes, japonisants, citaient les animaux et les chats. » (p. 130, c’est moi qui souligne). A propos de Micetto, le chat que Léon XII légua à Chateaubriand, les auteurs prétendent que son nom signifie « chat du pape » (p. 126), alors qu’en fait, c’est l’un des équivalents italiens du mot « chaton ». Encore plus surprenant, p. 109, toujours à propos d’un chat, « patronyme » est employé en lieu et place de « prénom ». Et que dire de l’attribution des Chats de Paris à Louis Nucéra, « avec Joseph Delteil » (p. 56), quand il s’agit d’un livre de Delteil que Nucéra n‘a jamais fait que préfacer ?
S’agissant d’une anthologie, Le Cahier rouge des chats ne présente pas les mêmes défauts : la plupart des textes qu’on y trouve sont très bien écrits, même quand ils ne relèvent pas de la haute littérature, à l’exception de ceux d’Alexis Akyne (présenté comme « étudiant ») et de Thibault Malfoy, qui souffrent grandement du contraste avec leurs voisins. Mais le vrai problème, c’est qu’Arthur Chevallier a sélectionné et classé un grand nombre d’extraits selon des critères peu convaincants et qui donnent l’impression que le chat, en tant que sujet, ne le concerne guère.
Toute une section du livre est consacrée aux « Malheurs des chats », dont les trois quarts des extraits sont soit irritants, soit franchement pénibles à lire pour qui aime les félins. Même avant de découvrir cette partie, lorsqu’on lit des passages de l’excellent Le Chat dans tous ses états de Jean-Louis Hue, on se demande pourquoi le compilateur a retenu (pp. 43–44) l’évocation d’expériences « scientifiques » à vous faire dresser les cheveux, plutôt que d’insérer là une page de plus parmi les plus belles de cet auteur. Et lorsqu’on arrive à Béatrix Beck, on tombe sur un portrait de la mère Herbe, qui aurait pu être remplacé avantageusement par un autre morceau de L’Enfant chat, consacré précisément à ce dernier.
En somme, le lecteur se demande s’il s’agit d’une commande, voire d’une corvée alimentaire, pour le compilateur qui s’en serait débarrassé au plus vite. Par ailleurs, est-ce permis d’exclure totalement Colette d’une anthologie consacrée aux chats ? Et n’aurait-il pas mieux valu y mettre des extraits du grand écrivain qu’est Joseph Delteil (par ailleurs copieusement publié chez Grasset), à la place des « inédits » d’Akyne et Malfoy ?
agathe de lastyns
- B. Bienfait, B. Bulard-Cordeau & V. Parent, Les Chats des écrivains, Gallimard, coll. Folio entre guillemets, octobre 2015, 192 p. – 7,50 €.
- Le Cahier rouge des chats, anthologie établie par Arthur Chevallier, Grasset, octobre 2015, 359 p. – 10,50 €.