L’érotisme selon Elisa Brune est moins du type TGV lancé à pleine vitesse qu’un exercice de la lenteur. L’auteure exprime comment il se dérobe plus qu’il se montre, tant chez la femme que chez l’homme. Dès lors, si l’on en rit (à tort), c’est d’un rire sardonique : celui d’un tremblement face au dérangement forcé des masses charnelles plus ou moins opulentes lorsqu’elles n’appellent plus que la douceur des vagues de plaisir.
Pour Elisa Brune, jouir permet de vivre. L’érotisme a pour fin de nier la mort par le jeu. Car l’érotisme est un jeu. Il dépasse toute autre activité. Encore faut-il en connaître les règles. Car il engage plus sérieusement que dans toute occupation qualifiée de la sorte. C’est donc une aberration capitale dont l’acmé mène à l’instant d’un mourir provisoire. Ce qu’on prend comme vice à combler est tout sauf un vide. Il crée la lumière.
Dans cette égalité de l’égarement sans limite où il se perd, l’être ne se sent jamais aussi sublimement humain. L’attention à l’autre (ou uniquement hélas ! et parfois qu’à soi-même) permet de vivre ébloui des ivresses loin des pesanteurs. Elles font la lumière au milieu de la nuit. C’est à peine pourtant si les actrices ou acteurs y ouvrent les yeux lorsqu’elles ou ils s’enfoncent au fond de la volupté par le sans règle qui rappelle — à certains — le goût insondable de Dieu au sein des délices. Ils ne déshonorent en rien l’égarement où nous nous retrouvons simplement humains.
Dès lors, chaque fois dans la chambre, il faut reprendre au commencement cet effroi heureux dans la crainte de l’impuissance décourageante comme la pluie d’hiver. Encore faut-il, comme Elisa Brune le fait, en distinguer les attentes et les tempos afin que de tels états supposent l’évanouissement de la réalité du monde. Ces instants semblent insignifiants, absurdes lorsqu’ils sont mal consommés ou que s’est perdu leur aspect fiévreux. Très vite pourtant, ils manquent sans doute parce qu’ils touchent à la mystique du péché qui fait sans doute le sel de Guérande de notre civilisation.
Leur achèvement jamais ne se dépasse sauf à l’instant de la mort. C’est une servilité à laquelle nous passons notre temps et notre pensée. C’est pourquoi se connaître et connaître le corps de l’homme est essentiel. L’humanité entière — et jusqu’aux abstinents –y est engagée jusqu’à l’anéantissement de la pensée qui nous mène. Nous ajoutons la tempête à la discordance de notre esprit.
La multitude que chacun de nous fait, nous ne pouvons nous en retirer. Elle est violente et aveugle, c’est un rire, un sanglot qui espère et ne retient rien.
jean-paul gavard-perret
Elisa Brune, Le Salon des confidences, Le désir des femmes et le corps de l’homme, Odile Jacob, 2013, 240 p. — 21,90 €.