Jean-Luc Guionnet et Eric La Casa démontrent, par leur mise en pratique, le problème des flux et des courants dans l’espace géographique, celui de la pensée comme dans la dérive des corps en leur sein. Reflected Waves combine échelles, informations, langues (mots, images, musiques), documentations, calculs dans une même installation . A la manière d’un Cage, les deux créateurs décrivent le process et les étapes d’un travail qui commença de composer « d’une manière ou d’une autre avec le phénomène acoustique des ondes stationnaires comme relation physique entre le son et l’espace ». A posteriori, les artistes commentent leur installation et ce qu’elle induisait et décrivent comment la partition sonore se visualise.
C’est à partir d’un réservoir d’éléments que Guionnet et La Casa ont construit une œuvre au sens particulier : non dans la perspective de progrès qui était celle — par exemple - d’un Lautréamont, mais pour obéir à deux exigences fondamentales. La première est celle d’une forme de mise en conformité de l’Art avec la Nature dans le circulus, le cycle des flux en un espace donné. La seconde — corollaire à la première — est « l’oubli de soi ». L’art n’est plus seulement une auto-expression : il devient une auto-altération.
Le livre montre les éléments de la composition de l’œuvre, la division d’un tout en parties, la forme, le contenu, la morphologie de la continuité, la méthode. Celle-ci est le moyen de contrôler le matériau : son, silence, ondes. Elle donne aussi au lieu (Melbourne) un grand nombre d’inventions techniques pour contrôler la continuité selon des improvisations réfléchies. Mots, sons, cartes, galerie, studio, intermèdes jouent en cette approche, de même que les concepts de structure, d’intention, de discipline, de notation, d’interpénétration, de « dévotion » aux circonstances. Ils deviennent les véritables « actants » d’une poétique sonore et visuelle à la fois libre et statufiée.
Le son renvoie au visible comme le second au premier. Et le livre ramène aux principes directeurs selon un procédé pratiqué par des musiciens contemporains comme par les anciens rhéteurs. Les deux artistes transforment les genres répertoriés, les pervertissent en en modifiant la contrainte et la condition.
Une grande partie de l’oeuvre de La Casa structure d’ailleurs une telle approche : le contexte y demeure essentiel comme contrainte impérative et invariable.
jean-paul gavard-perret
Jean-Luc Guionnet & Eric La Casa, Reflected Waves (ondes réfléchies), Passage d’encres / Traces, 2015, 60 p. ( + C.D.) — 20,00 €.