Yasuyuki Nishio et les mantes bien peu religieuses
Dans ses dessins comme dans ces sculptures massives, Nishio Yasuyuki propose des femmes parfois pieuses et sexy, parfois des grotesques et violentes. Dans les deux cas, la provocation fait loi. L’artiste nippon mélange les influences de l’extrême-orient et de l’occident : la femme tient autant des Shojo Manga que des filles des comic strips américains. Les angéliques diablesses deviennent au besoin de monstrueuses traîtresses, des mantes religieuses. Le tout avec un talent mis au service de diverses techniques. Les créatures deviennent drôles ou inquiétantes, sous couvert d’une religiosité des plus douteuses. Ne restent que des âmes perdues soumises à diverses osmoses diaboliques.
L’univers plastique est aussi pervers que sombre, décadent et un rien gothique. Une damnation implicite rampe sans qu’en soit révélée la clé. L’œuvre passe à la moulinette diverses mythologies par une multiplication de fausses pistes et de chausses-trappes. Exit la nostalgie : l’artiste de Tokyo crée le trouble des mémoires. Et, d’une certaine manière, c’est bon pour le moral. Quant à la morale, c’est une autre histoire. Elle est ici — au mieux– une hypothèse vague.
L’artiste rejoint une des essences majeures des images. Ces dernières passent. Avant même qu’elles ne disparaissent, Yasuyuki Nishio « dissipe » leurs illusions par annulation de leur propos premier pour leur faire raconter une autre histoire. Et soudain, l’idée d’une simple vie organique, embryonnaire peut se poser. Ce n’est ni le sujet, ni l’objet qui intéresse le créateur nippon mais l’ombre métamorphosée en divers propositions vers d’autres possibles qui échappent au temps.
jean-paul gavard-perret
Yasuyuki Nishio, Kenkayuureikou, Kinde Editions, 2015.