Luc Brunschwig va-t-il surpasser Conan Doyle ?
Sherlock Holmes a disparu dans les chutes de Reichenbach. Ses amis, le docteur Watson et le jeune détective Higgins enquêtent pour retrouver sa trace. Ils découvrent que le Grand Détective et sa famille sont une source impressionnante de mystères. Moriarty, par exemple, n’est pas le Napoléon du crime tel que décrit. D’après Mycroft, il n’a même jamais existé. Le livre IV s’ouvre dans un tribunal londonien où s’exprime le Dr Parks, lié dans sa jeunesse au père de Sherlock, en tant qu’expert dans le procès de Judith Rebecca Brown, une jeune femme accusée d’un double infanticide. Il démontre, s’appuyant sur son expérience vécue à Scutari pendant la guerre de Crimée, que l’accusée n’a pas tué. Intoxiquée par son environnement dans l’East End, elle a transmis le poison pendant l’allaitement. Higgins remarque, dans la salle, la présence insolite de Mycroft.
Watson et Mary sont à Pau dans la maison familiale des Holmes. Ils prennent connaissance des événements londoniens par le courrier détaillé d’Higgins. Miss Banister se réveille de huit jours de coma après avoir reçu une balle. Elle révèle que c’était elle qui était visée. Elle a été la nourrice, puis la gouvernante de Sherlock pendant sept ans. Violet, sa mère, a menacé Miss Banister si elle racontait les choses qu’elle a vues…
Prenant comme point de départ un texte du Canon holmésien (soit l’ensemble des quatre romans et des cinquante-six nouvelles écrites par Arthur Conan Doyle, mettant en scène le détective Sherlock Holmes), Luc Brunschwig fait découvrir la famille de Sherlock, révèle ce qu’étaient ses parents, sa vie lorsqu’il était enfant dans le sud de la France. Il multiplie les mystères, les interrogations, susurre des non-dits, évoque des secrets, bref plonge son lecteur dans un océan de révélations apportant, comme il sait si bien le faire, autant de questionnements. Il a l’art de multiplier, non pas les pains, mais les interrogations et dans cette série, il ne s’en prive pas, ouvrant un large espace de pistes, de nouvelles énigmes. Quels peuvent être les liens entre la famille Holmes avec des nouveaux personnages ? Pourquoi cette volonté, de la part de Violet, de cacher une partie de l’existence de la famille ? Quels actes faut-il dissimuler ?
Il évoque également, dans cet album, une page d’Histoire avec la figure de Florence Nightingale, cette dame qui a été la première à structurer le statut des infirmières pour élever la fonction et créer ainsi une nouvelle profession ouverte aux femmes. Cette dame possède une statue au cœur de Londres. Il énonce, avec les déclarations du Dr Parks, les conséquences d’une industrialisation à outrance, d’une course au profit sans conscience, pour des populations pauvres.
La mise en images est absolument superbe. Avec un style réaliste, un souci du détail, une précision dans les portraits, dans les expressions, Cecil réalise un bel album. Il donne une lisibilité remarquable avec une mise en couleurs mêlant des lavis monochromes bleu-gris pour le présent, sépia pour le passé.
La réussite de cette série exceptionnelle demande, cependant, une certaine patience, les albums ne paraissant pas à un rythme soutenu.
serge perraud
Luc Brunschwig (scénario) &, Cecil (dessin et couleur), Holmes — Livre IV : “La Dame de Scutari”, Futuropolis, octobre 2015, 48 p. – 13,50 €.