Entretien avec Anne-Marie Métailié

Les édi­tions Métai­lié fêtent leurs vingt-cinq ans d’existence. L’occasion rêvée d’aller à la ren­contre d’une édi­trice pas­sion­née… et paassionnante

En 1999, les édi­tions Métai­lié fêtaient leurs vingt ans d’existence. La toute pre­mière jeu­nesse pour le com­mun des mor­tels, le temps d’une cer­taine matu­rité pour une mai­son d’édition. Vingt ans, cela signi­fie qu’une place s’est creu­sée, que l’on a com­mencé de s’y ins­tal­ler à peu près agréa­ble­ment, que l’amour des livres et le res­pect des auteurs ont peu à peu aplani les obs­tacles. Non qu’ils soient défi­ni­ti­ve­ment vain­cus — peuvent-ils l’être ? — mais juste un peu moins insur­mon­tables…
Et aujourd’hui, cinq ans plus tard, les fes­ti­vi­tés grand for­mat sont à nou­veau à l’ordre du jour : des dizaines d’auteurs venus d’Amérique du Sud, d’Espagne, du Por­tu­gal, d’Écosse, d’Italie, d’Allemagne — et de France, bien sûr — voyagent de part et d’autre de l’Hexagone, allant de librai­ries en biblio­thèques ren­con­trer leurs lec­teurs ou bien par­ti­ci­per à des col­loques, ce depuis le mois de sep­tembre et jusqu’aux pre­miers jours de décembre. Ces réjouis­sances humaines s’accompagnent d’un évé­ne­ment livresque : la publi­ca­tion d’
Àtable !, un recueil de nou­velles signé par quarante-deux auteurs “mai­son”. Une belle offrande fes­tive, valant sans doute sym­bole de la cha­leur avec laquelle les auteurs sont accueillis puis sui­vis par Anne-Marie Métai­lié et son équipe. Comme le recueil du ving­tième anni­ver­saire, Quand on aime… se vou­lait à l’image de la pas­sion qui anime l’éditrice. Cette pas­sion, plus vivace que jamais, sourd de son regard et de sa voix dès qu’elle com­mence à par­ler de son par­cours, de son métier, des gens qui l’entourent — auteurs et col­la­bo­ra­teurs. Une pas­sion com­mu­ni­ca­tive, qui donne aus­si­tôt envie de s’immerger dans le fonds Métai­lié, et de lire à bras-le-corps tous ces livres faits avec cet amour qui répond si bien aux liens puis­sants, bizarres et com­plexes qui unissent un écri­vain à son œuvre.

Nous sommes main­te­nant à la mi-novembre ; est-il pos­sible de dres­ser d’ores et déjà un petit bilan des mani­fes­ta­tions orga­ni­sées pour fêter vos 25 ans d’existence ?
Anne-Marie Métai­lié :
Oui, mais il faut pré­ci­ser que nous n’en sommes qu’à mi-chemin. Cette série de ren­contres s’est dérou­lée en plu­sieurs temps : ce sont d’abord les auteurs latino-américains qui sont venus, puis les Écos­sais, qui étaient là en octobre. À par­tir de la semaine pro­chaine [à comp­ter du 15 novembre — Ndr] les auteurs ita­liens seront à l’honneur, sui­vis par les Por­tu­gais. Je tiens à dire que la mise en place de ces évé­ne­ments a néces­sité un tra­vail énorme, et sans l’assistance de notre atta­chée de presse, Marie Des­cour­tieux, je ne suis pas sûre que j’aurais orga­nisé tout cela. Secon­dée par Lise Detrigne, elle a com­mencé dès le mois d’avril à contac­ter les auteurs, les libraires, à déter­mi­ner ce qui était fai­sable et ce qui ne l’était pas… etc. Et je peux vous dire que jusqu’à pré­sent — enfin, en ce qui concerne les signa­tures et débats aux­quels j’ai pris part — c’était très réussi. Le public a très bien répondu : de vraies dis­cus­sions ont eu lieu, les gens posaient des ques­tions très per­ti­nentes, ori­gi­nales… ils avaient lu les livres, s’étaient inté­res­sés au tra­vail des auteurs et venaient vrai­ment les ren­con­trer ; ce n’était pas un public de décou­vreurs — et c’est très impor­tant de consta­ter “en direct” que vos auteurs ont des lec­teurs. Mais ce qui m’a peut-être le plus tou­chée, c’est la pré­sence de jeunes lec­teurs qui, eux aussi, venaient dia­lo­guer avec les écri­vains ; atteindre un lec­to­rat de jeunes compte beau­coup pour moi.

Comme il y a cinq ans, vous publiez aussi un recueil de nou­velles…
Oui ; pour le ving­tième anni­ver­saire, l’idée m’avait été sug­gé­rée par Lidia Jorge. Puisque, entre les livres et moi, c’est une his­toire d’amour, il fal­lait selon elle par­ler d’amour. Et deman­der aux auteurs mai­son de le faire sous forme de nou­velles ras­sem­blées en un recueil nous a paru une bonne for­mule. Une for­mule que nous repre­nons cette année, mais sur le thème du repas, de la nour­ri­ture. C’est Luis Sepùl­veda qui, cette fois, m’a indi­qué la voie “gour­mande”… dès le mois de mars, j’ai donc écrit aux auteurs pour deman­der à cha­cun une nou­velle où ils par­le­raient de ce qu’on fait à table. Quarante-deux auteurs ont répondu favo­ra­ble­ment — cer­tains m’avaient d’emblée pré­ve­nue que la bouffe, ce n’était déci­dé­ment pas leur truc… nous avons ainsi recueilli quarante-deux nou­velles que nous avons fait tra­duire. Nous avons décidé de les pré­sen­ter en sui­vant l’ordre alpha­bé­tique des noms d’auteur parce qu’après tout, à table, les gens se com­portent tous de la même manière — bien qu’avec des sen­si­bi­li­tés dif­fé­rentes. Et je dois dire que ces quarante-deux écri­vains se sont mon­trés très surprenants !

Entre le ving­tième et le vingt-cinquième anni­ver­saire, que s’est-il passé de mar­quant, pour la mai­son Métai­lié ?
Les fes­ti­vi­tés des vingt ans ont été très impor­tantes parce qu’elles ont changé notre image auprès des libraires et des jour­na­listes ; ils ont pris conscience de notre manière de fonc­tion­ner avec des auteurs qui se connaissent, que l’on pré­sente les uns aux autres… C’est assez drôle, par exemple, de publier un auteur alle­mand puis de réa­li­ser qu’il est le tra­duc­teur en alle­mand d’un de nos auteurs his­pa­niques. Drôle, aussi, de par­tir pour Saint-Malo avec un Por­tu­gais, un Chi­lien, un Danois et un Fran­çais, puis de finir le séjour avec deux paires de solides amis : le Danois et le Por­tu­gais sont en cor­res­pon­dance constante, et le Chi­lien et le Fran­çais se traitent de cette façon quand ils se ren­contrent (ici, Anne-Marie Métai­lié montre une pho­to­gra­phie des deux auteurs se don­nant une franche acco­lade...). Nous sommes très atta­chés à ces ren­contres qui se nouent à l’intérieur de notre cata­logue ; cela fonde notre “esprit mai­son” — un esprit que les mani­fes­ta­tions orga­ni­sées pour le ving­tième anni­ver­saire ont rendu tan­gible : on a fait voya­ger les auteurs en groupe ; alors que d’habitude, les libraires reçoivent un auteur à la fois, nous leur en offrions trois ou quatre !!! il faut dire que les auteurs se sont bien prê­tés à cela et ont accepté sans pro­blème d’être mélan­gés entre eux ; les plus connus ont aussi consenti à pré­sen­ter ceux qui ne l’étaient pas encore. Depuis, notre mai­son est per­çue dif­fé­rem­ment ; nous avons prouvé aux libraires que nous pou­vions vendre nos livres, et pas seule­ment les mon­trer. De fait, nous avons mieux vendu au cours de ces cinq der­nières années, et nous avons gagné en assu­rance. Bien sûr, nous sommes tou­jours sur le fil du rasoir, comme d’habitude, mais le rasoir est un tout petit peu moins aigu…

En 25 ans, vos publi­ca­tions ont-elles beau­coup changé en matière de pré­sen­ta­tion — au niveau des cou­ver­tures, notam­ment — ou bien êtes-vous res­tée fidèle à un cer­tain modèle ?
Non, nous avons évo­lué… d’ailleurs quand je vois cer­taines cou­ver­tures des débuts, j’ai un peu honte (rires). Je crois que nous nous sommes beau­coup amé­lio­rés ! Heu­reu­se­ment, parce que nous avons com­mencé en ama­teurs, et ça mar­chait très moyen­ne­ment. En matière de cou­ver­ture, il y a eu un tour­nant esthé­tique et tech­nique très impor­tant : l’apparition du pel­li­cu­lage mat, qui donne aux livres un aspect beau­coup plus joli, plus attrayant. Et puis nous avons un maquet­tiste for­mi­dable, Denis Hoch, qui réa­lise tous les volumes de notre col­lec­tion “suites”.

À l’occasion de votre ving­tième anni­ver­saire, il a été dit que vous publiiez une tren­taine de titres par an. Est-ce que ce chiffre est tou­jours d’actualité ?
En fait, nous publions entre vingt et vingt-deux nou­veau­tés par an, et nous repre­nons une quin­zaine de titres en for­mat semi-poche dans notre col­lec­tion “suites” ; nous avons donc légè­re­ment aug­menté le nombre de nos publi­ca­tions. Aujourd’hui — comme toute mai­son d’édition qui prend de l’âge — nous sommes confron­tés au pro­blème du nombre crois­sant d’auteurs “mai­son” qui pro­duisent de plus en plus. Il faut donc trou­ver un équi­libre entre le suivi de ces auteurs et le main­tien d’un espace per­met­tant d’accueillir les nou­veaux venus — car ce qui est exci­tant dans l’édition, ce sont les incon­nus ! Jusqu’à pré­sent, les choses se passent plu­tôt bien : j’arrive à faire patien­ter mes auteurs, et le “puzzle” n’a pas encore posé de pro­blème insur­mon­table. À ce jour, le pro­gramme est à peu près arrêté jusqu’à début 2006. Mais pas fermé : on se ménage des marges pour pou­voir gérer les impré­vus ; par exemple un auteur inconnu qui sur­git… j’espère tou­jours rece­voir par la poste, comme cela se pro­duit de temps en temps, un manus­crit qui fait battre le cœur plus vite !

La poste, jus­te­ment… vous rece­vez beau­coup de manus­crits par cette voie ?
Oh oui ! Et il y a par­fois de bonnes sur­prises, comme en jan­vier ou février der­nier, lorsque nous avons reçu le manus­crit d’Hannelore Cayre, Com­mis d’office. Cet auteur avait une voix, il s’est passé quelque chose quand j’ai lu son texte… alors on l’a publié. Et il marche très bien ! Nous rece­vons aussi beau­coup de manus­crits étran­gers, en par­ti­cu­lier des textes bré­si­liens. C’est fou ce qu’on peut écrire dans la cam­pagne bré­si­lienne… mais en géné­ral, pour les textes étran­gers, nous sommes contac­tés direc­te­ment par les agents lit­té­raires. Dans tous les cas, je lis tou­jours au moins les dix pre­mières pages de tout ce qui arrive. Il n’y a pas de livre qui soit sorti dans cette mai­son sans que je l’aie lu ! Et comme je suis com­plè­te­ment para­noïaque, je lis tout, tout, tout toute seule dès lors que c’est écrit en fran­çais, en por­tu­gais, en espa­gnol ou en ita­lien. Quand il s’agit d’autres langues, je me fie à mes col­la­bo­ra­teurs (notam­ment Keith Dixon, un vieux com­plice, ou Nicole Bari, avec qui je tra­vaille depuis fort long­temps) qui me com­mu­niquent des fiches de lec­ture assor­ties de quelques extraits tra­duits lorsqu’ils veulent me convaincre de publier le livre en ques­tion. Et puis nous pou­vons aussi comp­ter sur les appré­cia­tions de Marie Descourtieux.

Anne-Marie Métai­lié et les auteurs “latinos”

 

Vous avez com­mencé en publiant des auteurs latino-américains ; com­ment les Alle­mands, les Écos­sais, les Scan­di­naves… sont-ils venus s’agréger à l’aventure Métai­lié ?
Plus exac­te­ment, j’ai com­mencé en publiant des ouvrages de sciences humaines — c’était, au départ, mon pro­jet ini­tial. Puis je me suis rendu compte qu’en lit­té­ra­ture, il y avait des lacunes : cer­tains livres étran­gers que j’avais lus n’existaient pas en fran­çais, ou alors dans des tra­duc­tions épou­van­tables. J’ai pensé qu’il fal­lait agir, et c’est avec des auteurs bré­si­liens que je me suis lan­cée dans la publi­ca­tion de textes lit­té­raires. Puis a émergé au Por­tu­gal toute une géné­ra­tion d’auteurs for­mi­dables (Anto­nio Lobo Antu­nès, Lidia Jorge…) qui évo­quaient la déco­lo­ni­sa­tion de manière extra­or­di­naire. Ils étaient tota­le­ment incon­nus en France à l’époque, et j’ai décidé de les publier. Ensuite on m’a fait connaître Hora­cio Qui­roga, puis Luis Sepùl­veda - qui est devenu un ami, et qui a amené dans son sillage une foule de nou­veaux auteurs…
La Biblio­thèque alle­mande est née d’une ren­contre avec Nicole Bari : elle m’a expli­qué que la chute du mur de Ber­lin allait ame­ner au jour des auteurs qu’on ne connais­sait pas bien, et qui avaient beau­coup de choses à dire. Effec­ti­ve­ment, elle avait rai­son ; nous avons ainsi décou­vert, entre autres, Chris­toph Hein, qui est vrai­ment un très grand auteur.
Puis c’est Keith Dixon qui a croisé mon che­min… Il m’a ini­tiée à cette fas­ci­nante “École de Glas­gow”, m’a tout pré­senté en détail, m’a tra­duit de larges extraits pour me convaincre… C’était extrê­me­ment pas­sion­nant — et j’ai ouvert la Biblio­thèque écos­saise…
Quant aux auteurs scan­di­naves, je les ai connus grâce à un chef de fabri­ca­tion que j’avais engagé, et qui se trou­vait être doc­teur en nor­vé­gien et danois. Je lui ai donc demandé s’il vou­lait bien nous faire pro­fi­ter de ses connais­sances. Ce qu’il a fait… mais main­te­nant, il nous a quit­tés pour aller vivre et tra­vailler au soleil — quel pré­texte absurde, n’est-ce pas… — et comme il est très pris par son tra­vail, la Biblio­thèque nor­dique va tom­ber en som­meil, faute de direc­teur de col­lec­tion… Ne lisant aucune langue scan­di­nave, j’ai besoin d’être assis­tée par quelqu’un qui connaisse les livres, les auteurs… et sur­tout qui sache me convaincre !

C’est donc au hasard des ren­contres que sont nées les dif­fé­rentes “biblio­thèques” de votre mai­son. Envisagez-vous d’en créer de nou­velles, de publier des auteurs écri­vant dans des langues qui ne figurent pas encore à votre cata­logue ?
Non, je ne pense pas… car je ne suis pas cer­taine de vou­loir m’ouvrir tous azi­muts. Par exemple, si on me pro­pose un auteur chi­nois, je ne suis pas sûre que j’aurais envie de le publier — quand bien même mon inter­lo­cu­teur aurait la force de convic­tion requise… — parce qu’il y a déjà des spé­cia­listes de lit­té­ra­ture chi­noise, comme les édi­tions Pic­quier, qui font des choses for­mi­dables et ont déve­loppé de très belles col­lec­tions. Je n’aime pas grap­piller un auteur par-ci, un auteur par-là ; donc, plu­tôt que d’avoir une col­lec­tion étri­quée, il y a des lit­té­ra­tures que je pré­fère ne pas publier du tout. Cela étant, peut-être publierons-nous un jour des textes tra­duits du mon­gol : nous avons un auteur mon­gol au cata­logue qui écrit en alle­mand, mais s’il nous pro­pose ses écrits en mon­gol, pour­quoi pas ? Hélas, je crains que ces textes, qui relèvent de la poé­sie, ne soient pas aptes à tra­ver­ser les fron­tières… je suis en effet convain­cue que tout n’est pas expor­table. Il y a cer­tains romans fran­çais, par exemple, qui à coup sûr n’intéresseront per­sonne en Amé­rique latine parce que leur pro­pos est trop franco-français. Pour qu’un livre puisse être publié dans un autre pays que celui d’où il vient, il faut qu’il ait un mini­mum de voca­tion à l’universalité. Et tous les livres n’ont pas cette vocation-là.

Vous tra­vaillez avec com­bien de direc­teurs de col­lec­tion ?
Cinq. Nous avons deux spé­cia­listes, Keith Dixon pour l’Écosse et Nicole Bari pour l’Allemagne. Serge Qua­drup­pani, lui, s’occupe de l’Italie et du roman noir — il est aussi un auteur de la mai­son. Pas­cal Dibie gère la col­lec­tion de sciences humaines “Tra­ver­sées”. Quant à Pierre Léglise-Costa, il est un peu notre “homme orchestre” ; il lit le por­tu­gais, l’anglais, l’italien, et l’espagnol !

Le choix des tra­duc­teurs doit être très déli­cat…
Bien sûr ! j’essaie sur­tout de choi­sir des tra­duc­teurs qui vont être en phase avec les auteurs qu’ils tra­duisent, qui vont entendre leur voix, la musique de leur écri­ture. Il faut être très vigi­lant car n’importe quel tra­duc­teur ne peut pas tra­duire n’importe quel auteur. Si l’écriture de l’auteur ne cor­res­pond pas à la sen­si­bi­lité du tra­duc­teur, à la concep­tion que ce der­nier a de la lit­té­ra­ture, alors on aura presque cer­tai­ne­ment une mau­vaise tra­duc­tion. À la langue par­ti­cu­lière d’un auteur doit répondre un tra­duc­teur qui saura être sen­sible à ces sin­gu­la­ri­tés et qui donc pourra en res­ti­tuer l’équivalent en fran­çais. Au début, il a fallu tra­vailler très étroi­te­ment avec les tra­duc­teurs ; nous étions en train d’apprendre à fonc­tion­ner ensemble. Aujourd’hui la confiance s’est ins­tal­lée, et je me fie sans arrière-pensée à notre équipe de traducteurs.

Com­bien comptez-vous actuel­le­ment d’auteurs à votre cata­logue ?
Envi­ron deux cents, deux cent cin­quante… à vrai dire, je ne sais pas exac­te­ment. En tout cas, ceux avec qui nous sommes en rela­tions sui­vies ne repré­sentent qu’une petite centaine.

Et com­bien de col­lec­tions ?
Quinze col­lec­tions de lit­té­ra­ture, quatre col­lec­tions de sciences humaines, une col­lec­tion de semi-poche pour la lit­té­ra­ture, et une col­lec­tion de semi-poche pour les sciences humaines — les “suites”. Ces deux col­lec­tions nous per­mettent de faire tour­ner notre fonds en continu, de repu­blier des titres anciens sous une forme plus moderne et à moi­tié prix. J’ai bien dit “semi-poche” : le terme “poche” désigne des publi­ca­tions indus­trielles, que l’on trou­vera dans les linéaires des super­mar­chés — et je ne suis pas armée pour y aller !

Les “suites” comprennent-elles uni­que­ment d’anciens titres de votre fonds ou bien vous arrive-t-il de publier des livres appar­te­nant au domaine public, ou des titres de cer­tains de vos auteurs qui sont épui­sés chez d’autres édi­teurs ?
En fait je veux tout ! j’essaie donc de récu­pé­rer ce que cer­tains de nos auteurs ont publié ailleurs dans le passé. Et puis je trouve que c’est agréable, pour un lec­teur, de pou­voir trou­ver chez un même édi­teur l’ensemble le plus com­plet pos­sible de l’œuvre d’un auteur. Par contre, en ce qui concerne les livres du domaine public, je n’en publie plus du tout ! le tout pre­mier livre que j’ai publié, en 1979, datait de la Renais­sance — c’était une façon, pour moi, d’apprendre à tra­vailler sans prendre trop de risque, et puis ça cor­res­pon­dait à une ten­dance de l’époque. Mais aujourd’hui, je ne me consacre qu’aux textes contemporains. 

Pourriez-vous dire que vous sui­vez une ligne édi­to­riale défi­nie ou bien seule la loi du coup de cœur prévaut-elle ?
Disons que ce sont les coups de cœur qui vont finir par des­si­ner une ligne édi­to­riale, parce que les coups de cœur, vous ne les avez pas pour n’importe quoi, c’est évident. S’il fal­lait défi­nir un fil conduc­teur, je dirais que nous publions des livres qui racontent des his­toires — des his­toires qui per­mettent de com­prendre cer­tains aspects des socié­tés où elles se situent. Nos livres ont quelque chose de poli­tique — poli­tique au sens noble — mais, sur­tout, ils sortent des sen­tiers bat­tus dans le sens où ils n’abordent pas des thèmes déjà trai­tés cent fois, ou cent fois de la même manière… Le mois der­nier, par exemple, nous avons publié En zone fron­ta­lière, de Sherko Fatah. L’auteur est un Kurde ira­kien ; il nous raconte là ce qu’a été la Guerre du golfe à tra­vers l’histoire d’un contre­ban­dier qui passe d’Irak en Tur­quie et dont le plus jeune fils se tourne vers l’intégrisme. Il a une écri­ture très simple, presque docu­men­taire, et le résul­tat est vrai­ment extra­or­di­naire ; son livre per­met de com­prendre plein de choses… et je suis très fière de l’avoir publié !

Quels sont vos pro­jets ?
Là nous pré­pa­rons une sor­tie bré­si­lienne, avec quatre nou­veaux auteurs que nous ne connais­sions pas, ce qui est assez déli­cieux. Puis nous allons reprendre des textes en “suites” que nous avions sor­tis en 1986, et qui n’étaient pas res­sor­tis depuis. Ensuite nous publie­rons un auteur islan­dais, Arnal­dur Indri­da­son, qui écrit des his­toires for­mi­dables sur Reyk­ja­vik. Nous avons lu son texte en anglais, mais la tra­duc­tion sera effec­tuée à par­tir de l’islandais.

Joli groupe…

Encore un mot… il serait en effet dom­mage de quit­ter Anne-Marie Métai­lié sans citer ce vibrant appel qu’elle lance avec fer­veur : “Lisez ; sur­tout, lisez ! Les livres, c’est mer­veilleux : c’est du rêve por­table !” Et ne man­quez pas d’aller sur­fer un peu sur le site des édi­tions Métai­lié : la navi­ga­tion y est agréable, vous y trou­ve­rez l’intégralité du cata­logue ainsi qu’un agenda lis­tant dans le détail tous les évé­ne­ments à venir.
http://www.metailie.info/

Quelques livres Métai­lié sur lelitteraire.com…

Jacques Schlan­ger, Apo­lo­gie de mon âme basse
Un livre qui, à tra­vers deux courts essais, touche à l’essentiel de l’humain : le rap­port à soi, à la vie, à la mort.

Julia Alva­rez, Au Temps des papillons
Relayée par une jour­na­liste amé­ri­caine, l’histoire des sœurs qui, en Répu­blique domi­ni­caine, sont des figures majeures de la lutte contre le dic­ta­teur Trujillo.

Pablo de San­tis, Le Cal­li­graphe de Vol­taire
Un roman dérou­tant qui, sous ses allures de récit d’aventure flir­tant avec l’espionnage et le com­plot politico-idéologique, déve­loppe un uni­vers allé­go­rique foisonnant.

Dick Lochte, Blue Bayou
En guise de pré­li­mi­naires, un meurtre maquillé en sui­cide et, un peu plus avant dans le récit, un privé séjour­nant en centre de dés­in­toxi­ca­tion inter­rogé par un flic offi­ciel sur une affaire passée…

Han­ne­lore Cayre, Com­mis d’office
Com­ment un avo­cat, com­mis d’office, peut-il se retrou­ver à Fresnes, du mau­vais côté des barreaux ?

Alas­dair Gray, Le Fai­seur d’histoire
En ima­gi­nant une société idéale, ce roman s’inscrit dans la tra­di­tion de La Répu­blique et de L’Utopie. Avec beau­coup d’humour…

Alas­dair Gray, Pauvres créa­tures
Un récit épous­tou­flant, cumu­lant paro­dies en tout genre et mises en abyme suc­ces­sives. Lec­teurs pares­seux s’abstenir !

Vagn Predb­jørn Jen­sen,
Le Phare de l’Atlantide
Au large des Hébrides, sept petites îles abritent les eiders en grif­fant vents et embruns de leur relief escarpé. Elles piègent aussi les navires…

David Le Bre­ton, Signes d’identité
Tatouages et pier­cings pas­sés au crible d’un regard ethnologico-sociologique — trop dis­tan­cié et sans prise émo­tion­nelle. Hau­te­ment discutable…

José Angel Mañas, La Ville dis­jonk­tée
“Un roman balis­tique — le sixième d’un auteur de trente ans. À lire en hal­lu­ci­nant grave…”

Pro­pos recueillis par isa­belle roche  le 10 novembre 2004 au siège de la mai­son :
5, rue de Savoie
75006 PARIS

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