Le plus petit zoo du monde

Dans ce recueil de nou­velles, signées par la plume belge la plus inci­sive depuis belle lurette, sous le rose pelage de la cou­ver­ture, l’humour est très noir…

Pas besoin de micro­scope pour obser­ver les mœurs des pen­sion­naires du plus petit zoo du monde…
Nul puce­ron sus­pendu au tra­pèze, pas plus de domp­teur de pou, aucune four­mis bal­le­rines ou ver­mis­seau contor­sion­niste, mais un sacré cirque quand même !

Dans ce recueil de nou­velles, signées par la plume belge la plus inci­sive depuis belle lurette, sous le rose pelage de la cou­ver­ture, l’humour est très noir.
Atten­tion, il y a de la viande froide sous la peluche !

Pla­cides sont les museaux

Qu’ils portent un regard dubi­ta­tif ou confiant sur les vicis­si­tudes de leurs voi­sins humains, les ani­maux de Tho­mas Gun­zig ne sont guère vin­di­ca­tifs. Imper­tur­bables, ils demeurent à l’endroit où les poussent les caprices névro­tiques des têtes de cochons qui peuplent ces pages. Ils se fondent dans le décor, ne demandent pas grand chose mais c’est leur nature même qui dérange, leur pas­si­vité qui exa­cerbe l’animosité humaine. La coexis­tence entre les règnes en milieu urbain n’est pas chose facile.

La visite de la ména­ge­rie com­mence avec un pro­blème de taille : le cadavre d’une girafe décou­vert dans le banal jar­di­net du sieur Bob le belge. Pesante, sur­réa­liste et rapi­de­ment nau­séa­bonde, sa pré­sence force à l’initiative et révèle le carac­tère…
Le pen­sion­naire sui­vant est par­ti­cu­liè­re­ment calme. Tel­le­ment silen­cieux qu’on risque fort de rater son aqua­rium, oublié dans le coin du meu­blé de la mère de Franck, le pre­mier psy­cho­pathe bruxel­lois à fré­quen­ter ces pages.
Le troi­sième enclos abrite une chi­mère. Pauvre créa­ture de rêve, orga­nisme géné­ti­que­ment modi­fié pour solu­tion­ner les désirs des hommes, elle est encore au stade expé­ri­men­tal, son ave­nir des plus incertains.

Atten­tion en pas­sant devant les cages sui­vantes : ces fre­lon, ours, cou­cou et rai­nette n’ont aucun état d’âme. Ils dépendent du bes­tiaire ances­tral de l’imaginaire asia­tique, mais leurs pou­voirs ne sont pas moins ter­ri­fiants que ceux des Triades, n’en déplaise à la mai­son Bruce Lee.
Qui pour­rait res­ter insen­sible devant la plus atten­dris­sante boule de poils que porte le conti­nent aus­tra­lien ? Voici jus­te­ment ce que décou­vrira le koala four­voyé entre les pages caus­tiques de ce recueil ico­no­claste.
C’est dans les yeux du second psy­cho­pathe de la ban­lieue belge qu’on per­çoit les carac­té­ris­tiques du chien de traî­neau sans sa meute. Mais c’est uni­que­ment visuel… Et peut-être aussi le seul indice de son appar­te­nance à un règne vivant.
Enfin, le der­nier spé­ci­men est une blatte com­mune, un pauvre can­cre­lat qui par sa simple exis­tence déchaî­nera des émois d’une nature à bou­le­ver­ser pour de bon les rap­ports de couple du tou­riste aux yeux de rat.

Pro­fes­sion naturaliste

A confron­ter des gens un peu per­dus et des ani­maux incon­grus, il ne faut pas s’étonner de devoir cata­lo­guer les dégâts. L’intrusion d’un chep­tel sur­réa­liste dans des quo­ti­diens décou­sus remet, sans faillir, la place de cha­cun en perspective.

Dans le meilleur des cas, ce bes­tiaire pro­voque des rêves sau­vages, comme celui de la vacan­cière sur les rives du Gange :
Elle règne­rait sur eux comme une reine, elle serait la déesse blanche de la fer­ti­lité, on lui élè­ve­rait une sta­tue en pleine jungle sur laquelle vien­draient jouer les lézards et les singes, elle por­te­rait bon­heur à ceux qui vien­draient tou­cher sa poi­trine et son ventre de pierre.

Plus géné­ra­le­ment, les bêtes finissent sur une broche, pour satis­faire les caprices du réel prédateur.

Ecrites dans un lan­gage direct, avec décon­trac­tion et spon­ta­néité, ces sept nou­velles, inédites ou parues dans diverses antho­lo­gies des deux der­nières années, se lisent en un clin d’œil mais rebon­dissent dans la tête comme sur un tram­po­line. Et si votre chat saute sur le bureau et se glisse tout contre l’écran pour vous obser­ver, parlez-lui avec affec­tion, il est d’accord pour vous sup­por­ter.

stig legrand
Tho­mas Gun­zig, Le plus petit zoo du monde, Au Diable Vau­vert, mars 2003, 186 p. — 15,00 €.


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