Hygiène est sinon un androgyne du moins un hybride ou un double : garçon blond, charmant, pervers et fille aux cheveux d’or, sensible, innocente. L’Il d’Elle, et l’Elle d’il vit sur une île (d’Elbe ?) avec deux cousins : Pierre et Léna. L’une des Hygiène et Léna sont amoureuses du premier. Celui-ci et l’autre Hygiène sont amoureux de Léna. Le jour où, tel Œdipe, Pierre se crève les yeux, Léna n’a plus qu’une idée : se débarrasser d’Hygiène la rivale potentielle. L’objectif de la « future » victime est de sortir des griffes de Lena et de se faire aimer de Pierre — à moins que tout se termine dans un bain de sang. L’ensemble joue sur l’ambiguïté, le glissement de genre, la métamorphose et la confusion entre cauchemar et rêve.
Par ailleurs, le récit se déploie en divers support graphiquse et plastiques et ouvre aux fantasmes comme aux affres adolescents. Nicolas Le Bault les fait partager au sein d’un « pays où tout est permis » cher à Joëlle de la Casinière dont l’auteur devient le descendant. La sexualité fascinante et dangereuse couve au sein d’un triangle baroque et ambigu où le mâle Hygiène apparaît – sous des aspects doux – morbide et malsain.
Le récit se fait image et l’image mots puisqu’ils sont traités en inscriptions graphiques, manuscrites. Le tout dans une mise en scène hallucinatoire d’aquarelles, de photographies et de photogrammes de films de l’artiste. S’y ajoutent des reproductions de documents de natures diverses. Texte et image forment un hymen particulier entre harmonie et chaos (comme tous les mariages…) Un tel livre est donc par son principe même un ovni littéraire (comme le furent ceux de Joëlle de la Casinière déjà cité).
Sous l’aspect échevelé et débridé, le lecteur peut se retrouver en parfaite intériorité dans cette fiction où l’auteur crée une sorte de journal intime où l’imaginaire s’envole continuellement dans une danse macabre ou joyeuse, sauvage sous l’aspect de salon. Chacun cherche aussi bien son « moi » que son autre qui pourrait devenir son hôte. Il peut être lui ou elle, je ou tu, il induit le voire du voir.
L’espace livresque devient sensoriel et mental , il relie divers champs où le il et le elle s’interpénètrent tout en laissant non seulement le fil narratif mais ceux du temps et du corps dans un mouvement de torsion ou d’ellipse continue ou se lient dérive et mystère.
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jean-paul gavard-perret
Nicolas Le Bault, Hygiène Rose, Chapitre 1, Editions Réseau Tu Dois, 2015 — 55, 00 €.
L’ouvrage existe également en version “poche”, et peut être commandé sur le site de l’éditeur à l’adresse suivante : http://www.reseautudois.com/hr1.php