La sidération des poèmes de Patrice Blanc tient à leur côté nocturne. L’Eros aux ailes rouges tente de poindre sous « la robe noire des nuits ». Mais c’est (presque) en vain. Au passage des regards qui rampent dans le noir, l’étonnement se fait rare. Demeure une impression de cage dans la chair même endormie, même lorsque la marée la recouvre. D’où ce constat : « les hommes sont veufs, sans mémoire / la lumière est cassée dans le ciel ». Reste néanmoins la fatalité de poursuivre plutôt que de battre en retraite. Car il s’agit de tarir en soi l’écho de reclus.
Pour Patrice Blan,c demeure l’espoir du souffle dans la tresse du geste poétique. Il oblitère des impuissances et laisse la claustration en sursis dans la périphérie rauque du carcan des âmes. L’auteur veut encore un foyer qui s’envole et retourne à la flamme béante d’aimer. C’est une manière de conjurer les regrets anticipés même si le magnétisme opère par un esprit noctambule mais qui a perdu le sens de la fête. D’autant qu’au matin le soleil aura disparu sur le palier boiteux de l’horizon et que certains êtres sembleront déjà dormir dans leur tombe.
Toutefois, Patrice Blanc parle contre le silence de mort et contre la passivité. Certes, il se rapproche d’où finit le désert, ou d’où il commence : à savoir à l’ombre de la nuit que le crépuscule a plantée. Mais aimer le monde et les femmes, ce n’est jamais s’abandonner dans la pulpe des ultimes clartés. Nés de la chair, les corps ne doivent pas se statufier. Qu’importe « si la mort creuse » car « l’aube s’allume » encore un peu et le poète fait face. Mais son visage se fige là où la poésie appelle à l’insondable. Elle cherche l’horizon irriguant l’éclaircie.
jean-paul gavard-perret
Patrice Blanc, Dans la robe de la nuit, Editions Encres Vives, collection Encres Blanches, Colomiers, 2015 — 6,10 €.