Joël Blanchard, Louis XI

Un monarque mas­qué par l’Histoire

Louis XI est perçu, selon l’imagerie popu­laire, comme un monarque cruel, fourbe, fai­sant preuve d’une grande roue­rie. Mais, dans ce Haut Moyen Âge, était-il bien dif­fé­rent des autres diri­geants et de tous ceux qui avaient un peu de pou­voir ? Était-il plus cruel que ses contem­po­rains qui n’hésitaient pas à pas­ser par les armes leurs contra­dic­teurs ou ceux qui leur déplai­saient, qui avaient érigé la tor­ture comme élé­ment de la jus­tice de Dieu (sic !) ? Était-il plus fourbe qu’un de ces chefs d’Etat d’aujourd’hui capable de racon­ter les pires men­songes pour satis­faire aux dik­tats des lob­bies pétro­liers qui ont financé sa cam­pagne ?
Louis XI, qui a eu un règne rela­ti­ve­ment court, du 15 août 1461 au 30 août 1483, est cepen­dant un roi qui a construit la France telle qu’elle est aujourd’hui et qui a pré­féré, quand faire se peut, la négo­cia­tion à la force bru­tale, la diplo­ma­tie à la guerre, ce qui était peu cou­rant à son époque.

L’auteur retient, pour son ouvrage, une approche dif­fé­rente d’une chro­no­bio­gra­phie, approche déjà bien explo­rée, pour s’attacher aux domaines pri­vi­lé­giés dans les­quels ce roi a déve­loppé son action, à savoir : les ins­ti­tu­tions, la diplo­ma­tie, la finance, la jus­tice, la reli­gion et la guerre. Pour cha­cun de ces domaines, il offre une ana­lyse appro­fon­die met­tant l’accent sur ce qui relève de la rup­ture, ou de la conti­nuité, avec les actions royales de ses pré­dé­ces­seurs, sur sa façon de maî­tri­ser ou de subir les évé­ne­ments. Il se révèle, ainsi, une figure presque nou­velle d’un roi réac­tif, s’adaptant aux cir­cons­tances tout en gar­dant, pour l’essentiel, l’initiative. Blan­chard met en lumière son omni­pré­sence, son inter­ven­tion­nisme même dans des domaines qui n’étaient pas vrai­ment de son res­sort. Il montre aussi son goût et sa pra­tique du secret, une véri­table ligne de conduite qu’il applique aussi bien dans l’exercice de sa royauté que dans sa vie per­son­nelle, si l’on peut dire.
Cet état d’esprit gêne tou­te­fois, aujourd’hui, une ana­lyse com­plète car une part non négli­geable de ses réflexions, des rai­sons et des moti­va­tions de cer­taines de ses déci­sions reste incon­nue. L’auteur fait tou­te­fois mesu­rer l’attachement de ce sou­ve­rain à son pou­voir, un pou­voir qu’il a dû attendre long­temps car ce n’est qu’à trente-huit ans qu’il accède à la direc­tion du pays. Dans le récit de son long com­bat contre Charles Le Témé­raire, com­bat qui s’est soldé par la mort pré­ma­tu­rée de l’un, donc une semi vic­toire pour l’autre, Joël Blan­chard montre que ces deux enne­mis n’étaient pas aussi dis­sem­blables qu’ils pou­vaient paraître. Certes, si l’un est plu­tôt “bour­geois”, peu enclin à l’apparat et au déve­lop­pe­ment des arts, il n’en n’est pas moins un fin let­tré. L’autre, Charles a pour sa part un com­por­te­ment violent, emporté, mais il a le goût pour le faste et offre une aide consi­dé­rable à la créa­tion artis­tique. Mais selon l’auteur : “La seule conver­gence de vues entre eux est la volonté de cha­cun d’éliminer l’autre.

Avec cette approche nou­velle de Louis XI et de son règne, Joël Blan­chard signe un ouvrage pas­sion­nant pour l’éclairage donné à une per­son­na­lité qui a mar­qué le plus for­te­ment son époque, mais qui a été trop sou­vent mal comprise.

serge per­raud

Joël Blan­chard, Louis XI, Per­rin, octobre 2015, 382 p. – 24 €.

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