L’imaginaire hors de ses gonds
Pour son exposition anniversaire de ses 25 ans d’existence, la galerie 104 propose une série d’œuvres significatives de sa vocation. Ces artistes reflètent la complexité et la variété des pratiques contemporaines avec un penchant pour l’accumulation et le monumental.
Les vélos d’Ai Wei Wei, l’accumulation de Guillaume Benoît, les Vespa de Moataz Nasr, le labyrinthe Morphing Wave de Loris Cecchini, Le Cabinet du psychanalyste de Leandro Erlich ( qui renverse les positions analysé-analysant ), l’arche métallique d’Antony Gormley font (entre autres puisqu’au total il y a une cinquantaine d’œuvres) la qualité d’une telle exposition. Quant à Anish Kapoor, il force à passer par un couloir de plus en plus aveugle à mesure qu’on y avance avant qu’une petite tornade surgisse à portée de mains.
Mais Berlinde de Bruyckere va encore plus loin dans l’angoisse et le risque. Son The Embalmer offre les corps naturalisés de chevaux suspendus. L’image torturée autant de l’animalité que de l’humanité, selon une gravité exceptionnelle, fait — et comme les autres œuvres — de chaque espace de l’exposition une proposition à part entière.
Pour autant, l’exposition ne tombe pas dans le grandiloquent. D’autant que les œuvres plus discrètes de Michelangelo Pistoletto et de Cai Guo-Qiang et surtout d’Etel Adnan, dans leur simplicité, créent un contrepoint subtil et fin dans le parcours sinueux et complexe que propose l’institution.
Hors du voyeurisme, toutes les œuvres portent vers le trouble et le troublant. Elles ouvrent une submersion et un moyen de casser nos illusions « d’optique ». L’espace est dé-spatialisé afin d’accéder au statut d’une expérience souveraine. Celle-ci permet une accession à soi par l’intermédiaire de l’autre. En conséquence, la dimension poétique de l’art prend ici un sens particulier.
jean-paul gavard-perret
Follia Continua ! : Le 104
Les 25 ans de « Galleria Continua », Le Centquatre-Paris du 26 septembre au 22 novembre 2015.