Dan Jones,Les Plantagenêts

Une dynas­tie féconde et violente

C’est une his­toire pas­sion­nante et riche en évè­ne­ments que décrit le volu­mi­neux ouvrage de Dan Jones, jeune his­to­rien bri­tan­nique déjà célèbre dans le monde anglo-saxon. On ne peut donc que se féli­ci­ter de la tra­duc­tion de son livre sur la dynas­tie des Plan­ta­ge­nêts, un best-seller outre-Atlantique. Avec un don cer­tain pour le por­trait phy­sique et psy­cho­lo­gique, une capa­cité de tenir en haleine le lec­teur, tout en fai­sant preuve d’une grande rigueur scien­ti­fique, Dan Jones nous fait décou­vrir non seule­ment la vie et le règne de ces sou­ve­rains anglais mais nous per­met aussi de com­prendre le méca­nisme qui condui­sit à la monar­chie par­le­men­taire, ce joyau de l’histoire anglaise.

Trois points se dégagent de cette étude. Tout d’abord, l’extraordinaire vio­lence des mœurs poli­tiques. Si elles ne consti­tuent en aucune façon un pri­vi­lège de l’Angleterre mais bien un symp­tôme de l’époque médié­vale, force est de consta­ter que les luttes de pou­voirs y débouchent très fré­quem­ment sur des guerres civiles, des pro­cès poli­tiques iniques et des mises à mort aussi cruelles que bru­tales. Cette féro­cité n’empêche pas l’éclosion des arts qui, sous les Plan­ta­ge­nêts, atteignent de très hauts niveaux. Mais elle occupe une place impor­tante dans l’instabilité du pou­voir qui tranche avec les suc­ces­sions déjà bien hui­lées au sein de la dynas­tie capé­tienne.
C’est à ce niveau que se situe le deuxième point. Toute l’époque des Plan­ta­ge­nêts est occu­pée par un conflit avec le royaume de France qui débute avec la récu­pé­ra­tion de l’héritage d’Aliénor d’Aquitaine par Henri II et ne s’achèvera qu’avec la guerre de Cent Ans… et encore ! Dan Jones décrit avec minu­tie la manière dont les Plan­ta­ge­nêts ont dominé ce qui appa­raît comme une sorte d’empire conti­nen­tal qui confir­mait la nature anglo-normande de la dynas­tie. Or, « la France est trop petite pour qu’un Plan­ta­ge­nêt et un Capé­tien puissent y coha­bi­ter en paix. » A la gloire d’Henri II et de Richard Ier suc­cède une lente déca­dence débu­tée avec Jean Ier, lequel perd la Nor­man­die, l’Anjou, le Maine et la Tou­raine. « La Manche, écrit l’auteur, était deve­nue une fron­tière plu­tôt qu’un pont entre le royaume et le duché [de Nor­man­die]. » Le règne d’Édouard III consti­tue, au moment de la guerre de Cent Ans, une ultime et vaine ten­ta­tive de recons­ti­tuer un empire parti en lambeaux.

Les consé­quences en sont consi­dé­rables et consti­tuent le der­nier point. Outre la pro­fonde angli­ci­sa­tion de la culture du royaume, ce recen­trage du pou­voir royal sur l’Angleterre a conduit Jean Ier et ses suc­ces­seurs à n’être que des rois anglais. Autre­ment dit, les barons qui s’étaient habi­tués à une cer­taine « auto­no­mie » par rap­port à des sou­ve­rains ne par­lant que le latin et le fran­çais et rési­dant sur le conti­nent, ont du mal à sup­por­ter le poids d’une auto­rité qui se veut forte. C’est de là que naît le conflit entre eux et le sou­ve­rain. Les rai­sons fis­cales de cette com­pé­ti­tion sont très bien mises en valeur. Elles débouchent sur la Magna Carta de 1215 et sur d’autres textes (Pro­vi­sions d’Oxford, Ordon­nances de 1311 entre autres) qui restreignent les pré­ro­ga­tives royales. Le par­le­men­ta­risme moderne est en train de naître.
Tout cela est décrit avec clarté par un his­to­rien dont on espère que ses pro­chains livres seront aussi tra­duits en français.

fre­de­ric le moal

Dan Jones, Les Plan­ta­ge­nêts, Flam­ma­rion, octobre 2015, 654 p. — 28,00 €.

2 Comments

Filed under Essais / Documents / Biographies

2 Responses to Dan Jones,Les Plantagenêts

  1. PINEAU Daniel

    Evez-vous le livre Les Plan­ta­ge­nets en rayon ,
    Merci de votre réponse.
    PINEAU

    • admin

      bon­jour,
      nous ne sommes pas une librai­rie mais un site de cri­tique lit­té­raire…
      cor­dia­le­ment,
      la rédac­tion du litteraire.com

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