Vu du pont (Arthur Miller / Ivo van Hove)

Une his­toire impi­toyable qui expose aux tor­tueux méandres de la pureté inflexible

Le pla­teau s’ouvre len­te­ment, comme un contai­ner noir qui laisse fil­trer la lumière blanche et crue de la scène, au son du Requiem de Fauré. Un acteur des­cendu des gra­dins qui entourent la scène vient pré­sen­ter le pro­pos, à tra­vers le prin­ci­pal pro­ta­go­niste, Eddie Car­bonne, dont les prin­ci­paux traits sont évo­qués par l’avocat, celui qui a la charge d’incarner la voix du droit durant la pièce. Sa harangue semble ini­tia­le­ment mettre à dis­tance l’action, mais elle réus­sit bien à la mettre en pers­pec­tive. Aux Etats-Unis, un milieu d’émigrés : au sein d’une cel­lule fami­liale se noue un conflit de géné­ra­tions, de valeurs et de concep­tion de l’intégration : l’intrigue psy­cho­lo­gique est pré­sen­tée comme une affaire de police, ce qui lui confère une inten­sité dra­ma­tique notable.

Le per­son­nage cen­tral est sou­mis à des ater­moie­ments qui placent le groupe en situa­tion de ten­sion. La dis­cus­sion devient vite joute, elle intro­duit entre les êtres un défi per­ma­nent, une ambi­va­lence exa­cer­bée. Le pro­pos est riche de doutes, de cli­chés, de revi­re­ments, d’humanité. Ivo van Howe montre son déve­lop­pe­ment inexo­rable, sou­mis à tous les aléas de la quo­ti­dien­neté qui deviennent des évé­ne­ments à por­tée dra­ma­tique. Les comé­diens pré­sentent un jeu par­fai­te­ment dirigé et par­fai­te­ment maî­trisé. A terme, les per­son­nages finissent figés, gla­cés, empê­trés dans une his­toire impi­toyable, qui les expose aux tor­tueux méandres de la pureté inflexible. Fina­le­ment, la scène pré­sente un tableau ellip­tique et ter­rible, radi­cal et nuancé : magnifique.

chris­tophe giolito

Vu du pont

d’Arthur Mil­ler

mise en scène 

avec Nico­las Avi­née, Charles Ber­ling, Pierre Ber­riau, Fré­dé­ric Borie, Pau­line Che­viller, Alain Fro­ma­ger, Laurent Papot, Caro­line Proust

Tra­duc­tion fran­çaise Daniel Loayza ; dra­ma­tur­gie Bart van den Eynde ; décor et lumière Jan Vers­wey­veld ; cos­tumes An D’Huys ; son Tom Gib­bons.

Du 10 octobre au 21 novembre 2015,

Au Théâtre de l’Odéon, Ate­liers Ber­thier 75017 Paris, du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h
Pro­duc­tion Odéon-Théâtre de l’Europe, copro­duc­tion Théâtre Liberté – Tou­lon,
avec la par­ti­ci­pa­tion artis­tique du Jeune théâtre natio­nal, avec le sou­tien du Cercle de l’Odéon.
Créa­tion ori­gi­nale du Young Vic à Londres, le 10 février 2014 (ver­sion anglaise).
Reprise au Wynd­hams Theatre à Londres jusqu’au 11 avril 2015.

La pièce d’Arthur Mil­ler est repré­sen­tée par l’agence Drama-Suzanne Sar­quier (www.dramaparis.com) en accord avec l’agence ICM, Buddy Tho­mas à New York.

 

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