Claude-Hubert Tatot, Né dans la boucherie d’Ecuisses

Des bas mor­ceaux aux hauts quartiers

Claude-Hubert Tatot est un notable des ins­ti­tu­tions artis­tiques en Suisse comme en France. Ancien média­teur cultu­rel et du patri­moine aux musées des Beaux-arts de Lyon et de Bourg-en-Bresse, atta­ché de direc­tion au Carré d’Art de Nîmes, his­to­rien d’art et uni­ver­si­taire à l’Head–Genève, chargé de cours dans plu­sieurs uni­ver­si­tés fran­çaises, il a assuré des mis­sions pour l’enseignement des arts visuels du Can­ton de Genève. Membre du conseil inter­na­tio­nal des musées et de l’Association inter­na­tio­nale des cri­tiques d’art, il a aussi fondé avec l’artiste Alexia Tur­lin  Start, jour­nal d’art contem­po­rain conçu par des artistes pour les enfants.
Tous ces titres de noblesse artis­tique pour­raient assé­cher la créa­ti­vité de l’auteur (les exemples ne manquent pas). Tatot fait mieux que résis­ter. Pour ceux qui le connaissent, son dyna­misme et son ouver­ture en témoignent. Le prouve tout autant son livre publié dans la superbe col­lec­tion Re.Pacific des édi­tions lau­san­noise art&fiction. Le créa­teur revient sur son passé (mais aussi son pré­sent) à tra­vers un mon­tage lit­té­raire et plas­tique. Ce que l’image montre, le texte le décale. L’inverse est vrai aussi.

L’ensemble crée un cor­pus hybride mais cohé­rent. L’auteur sait déca­ler sa propre his­toire non sans humour et intel­li­gence (ce qui est un peu la même chose), afin que le lecteur-regardeur puisse s’interroger sur son propre rap­port aux lieux, objets, corps. Et à l’art bien sûr. Il est pré­sent non seule­ment comme thé­ma­tique mais comme stra­té­gie d’ensemble. « Né dans la bou­che­rie d’Ecuisses, accou­ché par Made­moi­selle Lam­boeuf » (Lacan serait ravi d’un tel rap­pro­che­ment), l’artiste fait de sa vie non une auto­fic­tion mais une fic­tion qui « inven­tée sem­ble­rait étrange ». Elle per­met de faire fonc­tion­ner l’imaginaire, moins pour faire repous­ser les fan­tasmes comme du chien­dent, que pour démon­ter puis remon­ter les songes de l’âme et les clairs et noirs des désirs du corps.
Le tout dans un livre qui devient la fabrique d’un che­min rendu sou­dain pal­pable. La puis­sance de l’écriture en frag­ments donne à la dia­pha­néité des images leurs han­tises. Par­fois, de la masse char­nelle des images Tatot ne retient par son écri­ture que ce que l’œil balaye par effet de sur­face mais il sait aussi appuyer sur des stig­mates ou points de fixa­tion sur les­quels Eros et Tha­na­tos taraudent en sour­dine et loin de toute spé­cu­la­tion abstraite.

jean-paul gavard-perret

Claude-Hubert Tatot, Né dans la bou­che­rie d’Ecuisses, arté­fic­tion édi­tions, coll. Re.Pacific, Lau­sanne, 2015 — 37,00 CHF.

1 Comment

Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Poésie

One Response to Claude-Hubert Tatot, Né dans la boucherie d’Ecuisses

  1. DELEY Loriana

    Bon­jour Mon­sieur,
    Je découvre tout à fait par hasard cet article et en tant qu’habitante d’Ecuisses depuis 60 ans main­te­nant et élue à la mai­rie, je ne pou­vais res­ter indif­fé­rente à ce que je lis.….
    Ce serait un plai­sir que de vous rece­voir dans notre biblio­thèque avec votre livre que je vais m’empresser de lire.
    Bien cor­dia­le­ment,
    Loriana DELEY née NORD

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