Au crucial, Jean-Jacques Nuel préfère le transversal et c’est un régal. Dans la suite de Courts métrages mais de manière plus drôle, l’écrivain protège dans Billets d’absence son sens de la transformation aussi inattendue que corrosive. Chaque fragment est un plaisir — drôle certes mais aussi abyssal.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Tout artiste ou écrivain vous dira que c’est la volonté de poursuivre son œuvre… mais c’est surtout la force de l’habitude et un restant d’énergie.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Avec le temps, ils sont devenus trop grands pour moi.
A quoi avez-vous renoncé ?
A rien, c’est bien là le problème. J’aurais peut-être dû renoncer à certains emplois salariés pour me consacrer davantage à l’écriture.
D’où venez-vous ?
D’un no man’s land dont je n’ai pas gardé le moindre souvenir.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Mon nom de famille, qui me relie à mes ascendants.
Un petit plaisir (quotidien ou non) ?
Mon petit-déjeuner.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres écrivains ?
L’incapacité d’écrire sur commande. J’ai dû renoncer plusieurs fois à des sollicitations de textes.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Des tableaux de femmes nues dans le Petit Larousse.
Et votre première lecture ?
Je me souviens surtout de Sans famille, d’Hector Malot, que j’adorais. Comme il y avait très peu de livres dans la maison familiale, je les relisais en boucle.
Pourquoi votre attirance vers le fragment ?
Je vais vers le fragment car je ne sais pas écrire au long cours. Inversement, le grand romancier Faulkner se désolait de n’être pas poète ! La forme brève est tout simplement celle qui convient le mieux à mon inspiration, à mes talents et à mes limites.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Surtout du rock & roll, avec une vieille passion pour les Rolling Stones.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
“L’Homme de cour”, de Baltasar Gracian. Particulièrement quand je suis au plus bas, il me permet de remonter la pente.
Quel film vous fait pleurer ?
Plus que tout autre, “Sur la route de Madison”, de Clint Eastwood.
Quand vous vous regardez dans un miroir, qui voyez-vous ?
Un survivant. Mais aussi un témoin gênant.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A mes parents. C’était déjà si difficile de leur parler.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Dublin, à cause d’Ulysse, de Joyce. J’y suis allé plusieurs fois, pour constater que la réalité est très éloignée du mythe !
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Je ne me sens pas forcément proche des grands écrivains que j’admire, et qui m’écrasent ou m’impressionnent, comme Joyce, Faulkner, Flaubert ou Mallarmé. Dans mon écriture, je me sens proche de très peu d’auteurs : Topor, Ambrose Bierce… mais pas de Sternberg, de qui l’on me rapproche fréquemment.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Une panoplie complète d’Académicien, avec l’épée.
Que défendez-vous ?
Une liberté totale de pensée, d’expression, contre les sectarismes de gauche et de droite. En France, on est très loin de cette liberté.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas” ?
Une assez bonne définition de notre solitude fondamentale.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
J’aime beaucoup l’humour de Woody Allen. D’ailleurs, comme je deviens de plus en plus sourd, il m’arrive de répondre oui pour ne pas faire répéter la question.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Quelle réponse ai-je oublié de vous apporter ? Reprenons cet entretien.
Entretien réalisé par par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com,le 15 octobre 2015