Emmanuel de Waresquiel, C’est la révolution qui continue ! La Restauration, 1814–1830

L’occa­sion ratée qui ne revint jamais

 La Res­tau­ra­tion, ten­ta­tive avor­tée de retour des Bour­bons sur le trône de France, consti­tue une des périodes les plus cru­ciales de l’histoire poli­tique et consti­tu­tion­nelle de notre pays. On se féli­cite donc de la réunion, au sein d’un unique ouvrage, de dif­fé­rents textes qu’Emmanuel de Wares­quiel a consa­crés à cette expé­rience poli­tique. A tra­vers ces pages tou­jours écrites avec la même élé­gance, l’auteur en trace les grandes lignes, depuis les années for­ma­trices de l’exil de Louis XVIII jusqu’à la révo­lu­tion de 1830, sans omettre de se pen­cher dans une seconde par­tie à des études thé­ma­tiques très riches et sti­mu­lantes.
De très fins por­traits nous per­mettent de cer­ner la per­son­na­lité des prin­ci­paux acteurs de la Res­tau­ra­tion : Louis XVIII, le roi impo­tent et habile poli­tique qui sut trou­ver une posi­tion entre ce qui n’était pas négo­ciable à ses yeux et ce qui l’était avec l’héritage de la Révo­lu­tion, et dont les cer­ti­tudes, l’obstination et la patience ne sont pas sans rap­pe­ler celles du géné­ral de Gaulle face aux Alliés ; son frère et suc­ces­seur Charles X, « modèle de grâce et de ver­tus » mais trop sen­ti­men­tal peut-être pour être un bon poli­tique ; le duc de Riche­lieu, incar­na­tion des ver­tus de l’aristocrate du XVIIIe siècle, déta­ché de tout et de tous, qui obtient la libé­ra­tion du ter­ri­toire ; et puis tous les autres, Cha­teau­briand « le chantre triste de la Res­tau­ra­tion », les chefs poli­tiques peu connus du grand public comme Decazes, Vil­lèle et Vitrolles.

Ces ana­lyses psy­cho­lo­giques donnent au récit un aspect très vivant et nous rap­pellent que ce sont les hommes, avec leurs qua­li­tés et leurs manques, qui font l’histoire. Ceux de la Res­tau­ra­tion ont échoué dans une œuvre pour­tant capi­tale qui leur com­man­dait de réus­sir ce qui avait raté en 1789–1791 : l’établissement d’une monar­chie par­le­men­taire à l’anglaise, dans laquelle le roi règne sans gou­ver­ner. Pour­tant – et c’est tout le para­doxe bien mis en lumière par Emma­nuel de Wares­quiel –, c’est au début du nou­veau régime, quand la Chambre domi­née par les ultra-royalistes contre la volonté du sou­ve­rain, tente de gou­ver­ner que les pra­tiques par­le­men­taires s’enracinent en France !
Les hommes de la Res­tau­ra­tion auraient-ils pu réus­sir, et ainsi sta­bi­li­ser le pays pour lui évi­ter les déchi­re­ments san­glants du XIXe siècle ? Ils por­taient, reconnaissons-le, le poids de deux héri­tages très lourds et liés l’un à l’autre : l’absolutisme et la Révo­lu­tion ; tous deux ligués pour repous­ser les solu­tions de com­pro­mis sur les­quelles la Res­tau­ra­tion pou­vait se construire.

Une ter­rible occa­sion man­quée. On sort de ce ravis­sant livre avec un brin de tris­tesse sur ce qui aurait pu être réalisé.

Lire un extrait

 fre­dric le moal

 Emma­nuel de Wares­quiel, C’est la révo­lu­tion qui conti­nue ! La Res­tau­ra­tion, 1814–1830, Tal­lan­dier, octobre 2015, 429 p. — 23,80 €.

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