Le dessin est un compagnon pour traverser la vie. Ou pour essayer de la faire “prendre”, de la faire exister et pour oublier ce qui efface le temps, qui semble au milieu des cendres du monde n’avoir jamais commencé. Jacquie Barral le montre d’une manière froide, neutre. Reste des strates de latence venues de partout et de nulle part. Il suffit d’errer là où le monde laisse des plumes. Plaques, arêtes, fentes et intervalles participent à la construction d’un vaste réseau graphique qui s’attache à une tentative de prise en compte de l’espace et qui repense les valeurs de pesanteur et d’apesanteur.
Le dessin peut ainsi s’assimiler à une proposition « architecturale » et abstraite qui est parfois aérienne, parfois excessivement matérielle, dense, volontairement massive et lourde. Jackie Barral permet d’introduire entre deux strates un intervalle, une mesure, une ponctuation du monde réduit à une perforation de ce qu’il est et du peu qu’il en reste.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
L’odeur du café
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Ah là ! C’est ce qu’il faut laisser en suspension pour créer plus tard.
A quoi avez-vous renoncé ?
A être architecte.
D’où venez-vous ?
Du sud.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Beaucoup de choses : le dessin, l’accordéon… entre autres.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Ne pas oubliez de regarder le ciel, les nuages qui passent…
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
Je ne vois pas vraiment. Je pense plutôt à ce qui m’en rapproche en fait : ce qui nous a fait devenir artiste avec ce choix de vie ou de temps.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Je suppose un dessin de mon paternel.
Et votre première lecture ?
Les poèmes de ma sœur Hélène quand elle avait 5 ans. J’étais épatée de ses textes et je les ai bien évidemment illustrés.
Pourquoi votre attirance vers une sorte d’éclatement ou de déstructuration ?
Pour mieux restructurer, pour mieux atteindre l’essentiel.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Des trucs insupportables pour certains, du genre vieille à roue et cabrettes, maîtres sonneurs du Bourbonnais… des musiques qui viennent de très loin, qui donnent envie de danser et qui dessinent des paysages. Toute la musique baroque est aussi de cette famille-là.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
J’en ai trois : « Les trois mousquetaires », Proust et « La recherche du temps perdu » et puis les « Mémoires d’outre-tombe » du Vicomte .
Quel film vous fait pleurer ?
J’ai très peur du cinéma. C’est un art qui me terrifie.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
En général, je préfère ne pas me voir. Je traverse mon image. De toute façon, je ne me reconnais jamais dans mes images et pas plus dans mes reflets. Dans mes dessins d’après miroir… là oui. Il me semble que je me rencontre un peu.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A plein de gens. A Johan Mitchell, par exemple pour lui dire que sa peinture est merveilleuse…
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Des villes comme Prague, Rome, Barcelone…
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Le plus proche ? Je n’arrive pas bien à répondre à cette question. Il y a des gens très lointains du côté du trait comme Schongauer ou bien plus près… quelqu’un comme Matisse, très humain par ces propos sur l’art.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Une casaque de mousquetaire et un chapeau à plumes pour aller à la danse.
Que défendez-vous ?
La liberté.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Toujours positif ce Lacan !!! Euh… j’espère que c’est autre chose, au moins un petit miracle.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Hi hi ! C’est souvent comme cela les conversations : des croisées d’oublis.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ? Aucune, c’était déjà très dense…
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret, pour lelitteraire.com octobre 2015.