Un grand besoin d’amour : entretien avec l’artiste Hilja Keading

Dans une de ses séries les plus célèbres, et entre vidéo et per­for­mance, Hilja Kea­ding pose la ques­tion de la dif­fé­rence et du lien (étroit) entre l’être et l’ours. Ce type d’interrogation, les artistes le tournent sou­vent en déri­sion. L’Américaine le pousse à l’inverse jusque dans les arcanes d’une dis­tinc­tion méta­phy­sique dans le champ de la nature et de l’art (per­for­mance dans son cas). Elle s’est retrou­vée dans une chambre kitsch qu’elle par­ta­gea avec Bon­kers, un ours brun le temps d’une période indé­ter­mi­née. Sa vidéo The Bon­kers Devo­tio­nal raconte cette his­toire sous forme de thril­ler à la mode hol­ly­woo­dienne mais avec beau­coup d’ironie et selon un mon­tage des plus astu­cieux.
Plus qu’un hom­mage à Joseph Beuys et à son coyote (I Like Ame­rica and Ame­rica Likes Me), l’œuvre asso­cie à la fois le concep­tuel et l’émotionnel par un effet méta­pho­rique et comique. L’histoire n’est ni héroïque, ni poli­tique ou auto-mythologie : l’artiste pro­pose une sorte d’autoportrait à la mode pri­mi­tive mais selon une recons­truc­tion postmoderne.

Entre­tien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
L’AMOUR

Que sont deve­nus vos rêves d’enfants ?

Ils furent oubliés puis redé­cou­verts.

A quoi avez-vous renoncé ?

A l’illusion de tout contrôle.

D’où venez-vous ?
Bonne ques­tion.

Quelle est la pre­mière image dont vous sou­ve­nez ?
Le visage de Polly Foggy, ses gros yeux mar­rons disant “Hee-ya”

Et votre pre­mière lec­ture ?
Dr. Seuss, « The Cat In The Hat » (Le chat dans le cha­peau)

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres artistes ?
Je ne sais pas. Je pense que nous avons tous le même désir. Tout ce dont je suis cer­taine actuel­le­ment, c’est d’enregistrer et de pré­sen­ter le réel tel un concept psy­cho­lo­gique et une ques­tion de dif­fé­rence entre le sacré et le pro­fane.

Où travaillez-vous et com­ment ?

Je tra­vaille à chaque seconde de chaque jour. J’aime la manière dont Lewis Hyde fait la dif­fé­rence entre tra­vail et labour. Et vous savez ce qu’on dit : si vous aimé ce que vous faites, il ne s’agit plus de tra­vail. Il y a quelques années je me suis ins­tal­lée dans une mai­son où j’ai trans­formé une vieille étable en deux petits ate­liers. Je com­mence main­te­nant à m’y sen­tir à l’aise. Avant, quand je tra­vaillais dans ma cui­sine, j’avais l’habitude de dire : “Je devrais être dans un ate­lier ». Mais si j’étais dans l’atelier, le pen­sais « Je devrais m’occuper du ménage de la mai­son ». Main­te­nant je pense que je suis à la bonne place au bon moment.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?

En ce moment, je ne vou­drais écrire à personne.

Quelles musiques écoutez-vous ?
Cela change sou­vent car mes goûts sont variés. Mais, sans aucun doute, il ne se passe pas un jour sans que j’écoute Led Zep­pe­lin et je ne me sens jamais aussi bien et il n’y a pas un jour où je n’écoute Glenn Gould ou Nina Simone, ils sont tou­jours là.

Quel livre aimez-vous relire ?
“L’Histoire de l’Amour”.

Lorsque vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Bonne ques­tion. Il n’y a pas de mots pour cela c’est plu­tôt une sen­sa­tion : l’expression devant un visage qui concentre 50 + des années réunies en un ins­tant.

Quel lieu a valeur de mythe pour vous ?

La nature.

De quels artistes vous sentez-vous la plus proche ?

Joseph Beuys et Joan Jonas m’inspirent.

Quel film vous fait pleu­rer ?
« The Stal­ker » (film d’Andrei Tar­kowski , 1979). Mais une sorte par­ti­cu­lière de pleurs : inté­rieurs avec des larmes ren­trées.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire
?
Un voyage magique où je pour­rais reve­nir en arrière et refaire cer­taines choses.

Que pensez-vous de la phrase de Lacan : “l’amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas” ?
Ce que vous ne pou­vez  don­ner, ensuite vous le décou­vrez. Vous seriez sur­pris de la pro­fon­deur de l’amour et ce qui en sort lorsque vous êtes dans cette profondeur.

Et celle de W. Allen “La réponse et oui mais quelle était la ques­tion ? »
Oui

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
Si j’avais à pré­pa­rer une liste de ques­tions, je deman­de­rais pro­ba­ble­ment : « Qu’est-ce qui change ? ». Et si quelqu’un me posais la ques­tion, je répon­drais que ce qui change, si je réa­lise la meilleure chose pour moi, ce serait de me deman­der « quelle sorte de vie vous vou­lez avoir aujourd’hui ? Com­ment voulez-vous mon­trer votre amour ? ». Bien sûr, il fau­drait y répondre un jour favorable.

Pré­sen­ta­tion et entre­tien tra­duit par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com,  le 6 octobre 2015. 

 

 

 

 

 

 

Leave a Comment

Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Entretiens

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>