Eric Pessan & Particia Cartereau, La Hante

Du pri­mi­tif

Peintre et des­si­na­trice, Patri­cia Car­te­reau crée en 2013 pour l’exposition « Chasse et chassé » (domaine dépar­te­men­tal de la Garenne Lemot) une série de des­sins : « Bêtes à l’envers – en hom­mage à Char­din ». Ce tra­vail inter­pelle Eric Pes­sin : il écrit des textes aux­quels l’artiste offre un « repons ». S’ensuit ce tra­vail à quatre mains. Il devient une chasse, une traque où l’univers de l’animalité et de son affut prend des figures méta­pho­riques. S’y mêlent la vio­lence et la tor­sion, la mytho­lo­gie et un retour à une sorte d’enfance de l’art et de la poé­sie. 
La Hante mul­ti­plie des che­mi­ne­ments duels entre pour­suite et fuite, chas­seur et chassé dans un uni­vers orga­nique fait de diverses humeurs végé­tales ou ani­males. Sang, boue, humus, boyaux, hur­le­ments de vic­toire et de dou­leurs ramènent non seule­ment à la forêt des songe mais à l’âtre de l’être, à son refuge pre­mier. Il est fondé autant sur la bes­tia­lité, le songe que des sen­ti­ments pri­mi­tifs ou enfan­tins (ce qui n’est pas for­cé­ment du même ordre).

L’équi­libre est par­fait entre les textes et les des­sins. Ceux-ci fas­cinent car ils portent plus à fond l’innommable et touchent à l’inconscient que les mots ont du mal à per­cer. Il y a là la han­tise de l’espace, celle de la bes­tia­lité, de l’enfance et de tout ce qui échappe à l’œil nu mais dont le livre devient la traque sourde et obsé­dante. Elle ramène à la nuit de l’être où se confondent la vie et la mort, l’innocence et la pré­da­tion.
La puis­sance archaïque de l’être et du monde est mise en branle pour pié­ger le regard et le sens à tra­vers d’étranges céré­mo­nies par­fois déli­ques­centes. De la civi­li­sa­tion humaine et ses croyances, il ne reste que ce qui en tombe. Cela n’empêche en rien l’enchantement des images. Le miné­ral reprend son impor­tance dans la magni­fi­cence que l’artiste et le poète orga­nisent tels des rêveurs. Par le retour au rupestre, au plai­sir qui tue et aux ter­reurs enfan­tines s’inscrit un hypo­thé­tique nou­vel âge où un maté­ria­lisme méta­phy­sique passe par une fée­rie en char­pie et un glis­se­ment sur l’argile des ima­ge­ries, autant mythiques que primitives.

jean-paul gavard-perret

Eric Pes­san & Par­ti­cia Car­te­reau, La Hante, L’atelier Contem­po­rain, Stras­bourg, 2015, 176 p. — 25,00 €.

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