Dans ses couleurs nocturnes, Barvara Navi accorde au réel une force poétique étrange. « Sur » le paysage l’artiste introduit des éléments perturbateurs et intrusifs. De tels placages (redondants ou antinomiques) cassent l’organisation plastique première pour créer un univers autant en équilibre qu’en déséquilibre. Tout joue en cette charnière, cette perturbation où l’image dans l’image perfore une réalité trop vue.
Les états naissants restent des crépuscules sans pour autant que soit cultivée une quelconque nostalgie. Le regardeur est tout simplement perdu dans une dialectique du rêve et du réel, du jour et de la nuit. Pour autant, Barbara Navi n’idéalise rien. Son anamnèse picturale crée un appel d’air. Fouillant le monde elle n’en retire pas seulement des vestiges ou des ruines, elle le porte vers un advenir dans l’embrasement de lumières sombres.
Ce qui pourrait être considéré comme un « négatif » crée une archéologie du futur. Presque toujours absent, l’être reste pourtant présent en filigrane là où chaque paysage ou narration devient plus qu’ailleurs une cosa mentale. Surgit l’âtre de l’humain dans une conflagration cérémonielle.
Une injonction à la vibration, autant de l’affect que de la pensée, a lieu de manière « ténébrante ».
jean-paul gavard-perret
Barbara Navi, Les égarés, Galerie La Voûte, Paris, du 8 octobre au 12 novembre 2015.