Ester Vonplon fut d’abord snowboardeuse et skateboardeuse professionnelle. Par une belle torsion d’un parcours sportif, la Suissesse est devenue une des photographes les plus douées de sa génération. Elle poursuit un parcours très personnel et solitaire. Les volumes et les surfaces que l’artiste photographie ne sont jamais des constructions « archéologiques » mais des apparitions poétiques qui poussent forcément à la méditation. Ester Vonplon accorde au paysage une vision très particulière. La jeune artiste invente des lieux d’abandon et de bouillonnement.
Le paysage semble mutique, catatonique : il suffoque ou halète dans une solitude abyssale. Néanmoins, quelque chose d’inconnu se passe. Loin des démesures physiques surgit une puissance sourde qui ouvre à des visions quasi mystiques. Un univers aussi réel qu’onirique surgit de l’œuvre. En ses grains de vertige et ses ondulations, celle-ci échappe à toutes formules.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Le brouillard qui recouvre tout tôt le matin., la lumière ou quelques fois le train que j’ai à prendre.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
A 8 ans j’ai dit à mon instituteur que tout ce que je voulais était de devenir artiste. Je ne savais pas quelle idée j’avais d’un artiste à cette époque. N’ayant pas grandi dans une ville, je n’allais pas souvent aux musées enfant, je me demande encore quel était mon état d’esprit à l’époque. D’une certaine manière je l’ai transformé en réalité. En sorte que…
Qu’avez-vous dû abandonner ?
Rien, juste gaspiller du temps.
D’où venez-vous ?
Je suis née à Zurich, et j’ai grandi dans des faubourgs sans nom, je suis parti à Berlin et aujourd’hui je vis dans un village dans une vallée de haute montagne. D’où je viens ? Je me le demande.
Quelle est la première image dont vous vous souvenez ?
Nuit après nuit, je rêvais de traverser des étendues neigeuses quelque part dans de hautes montagnes. Toute cette neige et ce froid me paraissaient si reels. J’ai toujours cette image d’enfant dans ma tête.
Et votre première lecture ?
« Il salep e la furmicla » par Dolf Tumasch
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes?
Je ne peux définir si et comment je me distingue des autres artistes.
Où travaillez-vous et comment ?
J’ai un studio plutôt pas inspirant dans un petit appartement que je peux utiliser pour travailler. Ce lieu m’oblige à sortir et ne pas rester sur place. Pendant que je photographie, je passe tout mon temps quelque part mais jamais chez moi. Mais les choses ont changé une peu maintenant, je dois passer de plus en plus de temps devant mon bureau pour des raisons d’organisation, de planning et de travaux pour des livres.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
John Berger ! Dans mon carnet de notes et dans mon esprit, j’ai commencé à lui écrire beaucoup de lettres mais aucune lettre ou photographie me semblait digne de lui être envoyée.
Quelle musique écoutez-vous ?
Assis dans le train en tentant de répondre à vos questions, j’écoute Benjamin Smoke.
Quel livre aimez vous relire ?
“La marche de Radetzky” de Joseph Roth
Pourquoi votre intérêt pour le paysage ?
Je m’intéresse aux lieux où l’on ne peut pas habiter, des lieux sauvages, des lieux où vivre semble impossible.
Quand vous vous regardez dans votre miroir qui voyez-vous ?
Je ne suis pas certaine de qui je suis et de qui je vois dans ce miroir.
Quel lieu a valeur de mythe pour vous ?
L’odeur des plantes, le sol, le bruit des insectes. D’années en années, ils sont toujours différents, toujours nouveaux ; pour moi notre jardin est un mythe. Et ensuite, il y a les lieux et les situations dont je rêve. Ce sont des voyages dans mon imagination. Prendre le train de la Russie à la Chine, passer quelques nuits dans le port de Montevideo, écouter les gens dans ces lieux.
De quels artistes vous sentez-vous la plus proche ?
Je ne voudrais pas nommer ces artistes car je me sens proche d’eux par ce qu’elles ou ils font. Je suis inspirée par beaucoup d’artistes et parmi eux il y a des amis, des gens que je rencontre et dont je me sens proche.
Quel film vous fait pleurer ?
Ceux qui me font plus agir pendant des semaines et des mois que pleurer. Je ne me rappelle pas d’un film qui m’a fait pleurer mais il y a de nombreux film que je n’oublie pas.
Qu’aimeriez vous recevoir pour votre anniversaire ?
Une lettre de quelqu’un que je ne pensais pas être susceptible de penser à moi pour mon anniversaire. Cela ferait de ce jour-là un très bon jour.
Que pensez-vous de l’affirmation de Lacan « Aimez c’est offrir quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas » ?
Quelle partie de cette question ai-je prise ? Je n’en suis pas sûre.
Et celle de W. Allen: “La réponse est oui mais quelle était la question ?”
Vous moquez-vous de moi ?
Quel question ai-je oubliée ?
…
Présentation et entretien réalisés et traduit de l’anglo-américain par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 19 septembre 2015.