Christophe Dickès s’impose comme un des plus fins connaisseurs de la papauté. On lira donc avec intérêt mais aussi plaisir son originale étude sur la figure de douze papes sélectionnés parmi ceux qui ont le plus contribué à transformer la papauté mais aussi le monde chrétien. Les portraits sont à chaque fois très accessibles sans que la densité de la réflexion n’en soit altérée. Portraits psychologiques, religieux et politiques de souverains pontifes qui ont, tous à leur manière, entrepris de profondes réformes.
L’auteur connait trop bien son affaire pour sombrer dans les caricatures habituelles opposant réformateurs et conservateurs. En fait, tous les papes sont à la fois des modernisateurs de l’institution et des gardiens du dogme. C’est très frappant avec Pie V et Pie X, jetés aux gémonies par les progressistes et leurs relais médiatiques, alors que ces papes ont épousé leur temps et transformé radicalement l’Eglise et son siège pétrinien. De la même façon, Christophe Dickès relève avec pertinence les doutes que l’on peut avoir sur l’opinion qu’aurait eue Jean XXIII sur certaines innovations conciliaires, notamment en matière de liturgie…
Bien sûr, la papauté a évolué au fil des siècles. Saint Léon la réconcilia définitivement avec la romanité et l’Empire ; Grégoire VII la sauva de la domination des pouvoirs temporels tandis qu’Innocent III en fit une monarchie pontificale puissante ; œuvre que Boniface VIII ne sut préserver face à la montée des Etats nationaux. Jules II finit par incarner la réalité du pape-roi, pour le pire (les guerres) comme pour le meilleur (le mécénat), avant que Pie V ne lui rende toute sa dimension spirituelle. Il est d’ailleurs révélateur qu’aucun pape ne soit étudié entre ce dernier et Pie X.
L’étude des papes du XX siècle, mieux connus, n’en reste pas moins éclairante sur la transformation de la charge pontificale à l’heure des luttes contre les totalitarismes et à celle des médias. De très intéressantes comparaisons sont faites avec le pape François, béni par les journalistes, qui permettent de relativiser l’aspect inédit que l’on colle depuis le début à son pontificat.
Comme le note l’auteur fort à propos, chaque pape n’est pas le successeur de son prédécesseur mais celui de Pierre, cet être faible choisi par le Christ lui-même « avec ses défauts et ses qualités » parce qu’il le « juge apte à diriger son Eglise tout en rappelant que la perfection ne sera jamais de ce monde. » C’est à travers ce prisme qu’il faut juger l’histoire des papes. Une histoire longue que cet ouvrage permet de mieux saisir.
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frederic le moal
Christophe Dickès, Ces douze papes qui ont bouleversé le monde, Tallandier, août 2015, 379 p. — 21.90 €