Cécile Dormeau aime toutes les femmes, qu’elles soient rondes, frustrées, fortes, idéales. Et il n’est pas jusqu’aux maigres comme un clou à la rendre marteau. Mais ce ne sont pas les seules. Elle aime les décoratrices d’intérieur, les ouvreuses à fermeture Eclair, les Marie-Madeleine de Commercy, les visiteuses du soir, les Grandes chandelles du Ku Klux Klan, les savonnes de Marseille, les quoique et les peut-être, les hôtesses de l’air patibulaires, les Hérodiade et les Salomé, les bâilleuses de fond, les incendiaires, les lavandières du Portugal, les fausses blondes, les petites mains, les bourrelières, les bâtisseuses d’ans pires, les étoiles d’araignées, les clercs obscures, les masseuses perverses, les Fanny Ardente.
Mais aussi celles par qui sonnent le gland, celles qui font des vagues dans Vogue, les enfileuses à l’Anglaise et les lécheuses de frites, les abstractrices de quintessence, les vieilles filles aux yeux de porcelaine et à l’haleine menthol, les noires d’ivoire, les (en)voûtées, les veuves du poignet comme celles qui ont des faims de moi difficiles et toutes les autres qui embarquent l’artiste installée en Allemagne dans leur chemin creux.
Bonne entendeuse, Cécile Dormeau ne se contente pas de les saluer : elle joue de leur “flow” et de leurs émotions avec humour dans un style incomparable fun, pop et coloré. Chacune ramène à la clôture des sentiments car tout se dit avec dérision et pudeur. L’illustratrice prouve, entre autres, que de la sainte à la condamnée il n’y a qu’un pas, qu’une similitude.
Dans le partage tel que l’artiste le conçoit, il y a bien plus de drôlerie que d’angoisse. Franchir la frontière de la France à l’Allemagne (comme l‘artiste l’a fait), changer de corps touche au plaisir, à la jouissance et à l’intelligence puisque les certitudes et les idées reçues se voient interpellées par cette traversée. En une telle évasion de l’« aveuglement » des standards se crée un voyage sans bagage où l’ inconscient se voit interpellé. Il sort de sa réclusion et se laisse aller à toute forme de fascination.
jean-paul gavard-perret
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