Des dissonances à l’harmonie
“Au col de Larche” est le dixième texte du recueil Après beaucoup d’années. Il parut pour la premières fois en 1994 chez Gallimard puis en 2014 dans les Oeuvres du poète à la Bibliothèque de la Pléiade en 2014. Sourdillon, en tant que spécialiste de Jaccottet, y a d’ailleurs participé. Dans ce texte précieux, il livre la genèse de cette prose poétique intimiste et suggère, plus qu’il explique, la sensibilité et le travail rigoureux du poète suisse. Celui-ci part d’un invisible « né de la réfraction du bruit de torrent dans l’espace intérieur de celui qui, l’ayant entendu, y prête attention et l’écoute ». A partir de là, Jaccottet n’a eu cesse de faire « entendre » ce qui surgit par une musique verbale. Elle devient l’écho répercuté du bruit, si bien qu’à la dissonance première se superpose une harmonie. Celle-ci fait écho plus profondément aux poèmes de Hölderlin, de Rimbaud, de Mandelstam comme dans la musique de Bach, de Mozart et dans la vie intérieure du marcheur.
Jean-Marc Sourdillon « met ses pas dans ceux de celui qui a écrit », non simplement pour l’accompagner, mais faire partager l’émotion vibratoire aux marcheurs potentiels que sont les lecteurs. Poète lui-même (il a publié Dix secondes tigre aux éditions L’Arrière-Pays il y a 4 ans), ses mots comme ceux de Jaccottet tentent de saisir un accomplissement terrestre par un agencement spécifique.
Il ne se contente pas des conventions « critiques » qui ne feraient de son livre qu’un essai parmi d’autres. Il le métamorphose dans « le pas gagné » réclamé par Rimbaud. Manière de jeter à son tour une pierre dans le torrent pour en multiplier les ondes au sein d’une marche forcée où la poésie se veut une expérience vitale plus joyeuse qu’éreintée.
jean-paul gavard-perret
Jean-Marc Sourdillon, Jaccottet écrivant Au col de Larche, Le Bateau Fantôme, Paris, 2015 — 15,00 €.