La confrontation de deux poésies charnelles
Sachant « qu’on fore le silence / comme on creuse un puits », Claude Donnay & Christine Sépulchre en toute complicité créent un ouvrage « en repons ». Ce « jeu » (sérieux) permet de « carotter la banquise intérieure » mais aussi de rappeler le monde tel qu’il est. Ce dialogue amoureux n’a rien d’étroitement personnel, intime. Il est le pré-texte à une vision plus large.
La confrontation de deux poésies charnelles et inspirées dans leurs images et leurs évocations renvoie parfois des spasmes telluriques dans ce qui devient au fil des échanges un rite. S’y révèlent les sombres réalités du temps où l’être est remisé de plus en plus à un statut provisoire, non seulement quant à sa finitude mais à son existence qui tient parfois de la simple survivance : « suspension, exclusion » avec un « job sous conditions / — sous-statut, sous-payé ».
Le sourd bruit de fond est donc là à travers des empreintes qui portent au bout du monde sans crédit, ni pardon, ni statut. S’immerger dans ce livre revient à ne plus imaginer le réel que comme une cuisse que les mots caressent. Le lecteur se retrouve — peut-être abasourdi ou sonné — là où sort le monde à travers le corps, mais un corps qui a besoin d’une âme. Cet échange permet de la faire entendre au milieu du bruit des jours qui sonne parfois comme un glas. Si bien que parfois le présent semble infranchissable ; pourtant le rendez-vous est appelé par les deux protagonistes qui ne veulent pas le manquer. Ils s’y attendent déjà.
jean-paul gavard-perret
Claude Donnay & Christine Sépulchre, 40 Echanges, Editions le Coudrier, Mont-Saint-Guibert (Belgique), 2015, 108 p. - 16,00 € .
Très belle page pour la visibilité de la poésie (et certainement pour d’autres créneaux de l’éventail de l’art). J’y suis assez sensible. Etant assez nouveau sur FB, je ne cesse de découvrir des petits bijoux comme celui-ci. Félicitations et merci pour l’invitation. Rio