Antonio Manzini, Piste noire

…pour roman noir !

Une dameuse de la sta­tion de Cham­po­luc, dans le Val d’Ayas, passe sur un corps dis­si­mulé sous une mince couche de neige. Le conduc­teur affirme qu’il a pensé avoir heurté une roche ou une racine, mais que son pas­sage a déclen­ché un nuage de plumes. Rocco Schia­vone, le sous-préfet de per­ma­nence est alerté. Or, il déteste être dérangé, d’autant qu’il est avec une jolie femme. Sur place, les pieds gelés car il ne veut por­ter que des Clarks, il voit un corps déchi­queté par la machine. L’anatomopathologiste, à l’institut, réus­sit à recons­ti­tuer le puzzle macabre et découvre, sur le pec­to­ral droit, un tatouage bien par­ti­cu­lier.
À la Pré­fec­ture, une femme vient décla­rer la dis­pa­ri­tion de son mari, parti depuis la veille pour le vil­lage. Inter­ro­gée par Rocco, elle dévoile que son mari, comme elle, porte le même tatouage qui signi­fie : “Qu’aucun obs­tacle ne sur­gisse entre nous.” Ayant l’identité du mort, le sous-préfet doit appré­hen­der les rai­sons de son assas­si­nat et l’identité du, ou des, meur­triers. Les pistes se mul­ti­plient et Rocco doit faire preuve, mal­gré sa mau­vaise humeur per­ma­nente, de toute sa sagacité…

Piste noire est la pre­mière enquête de cet ex-commissaire, devenu sous-préfet depuis que ce titre n’existe plus dans la police ita­lienne. L’auteur offre un récit poli­cier de type clas­sique, bien conçu et construit avec suf­fi­sam­ment de rebon­dis­se­ments pour que le lec­teur soit amené à tour­ner régu­liè­re­ment les pages. Mais le roman vaut sur­tout pour le héros, ce Rocco Schia­vone, un indi­vidu au com­por­te­ment odieux et qui est pré­senté comme : “Séduc­teur, cor­rompu, sar­cas­tique, …aussi anti­pa­thique qu’attachant. Le genre de héros qu’on adore détes­ter.” Il est vrai que ses rap­ports avec les autres sont empreints de dédain, d’arrogance. Ce sont tous des nuls ! Il est mépri­sant avec ses subor­don­nés, fait preuve d’humour noir avec ses égaux et il est inso­lent avec ses supé­rieurs. Ayant vécu à Rome, seule la vie dans cette ville trouve grâce à ses yeux. Aussi, que cache sa muta­tion dans la val­lée d’Aoste, un pays qu’il abhorre ? Il concède, à l’un de ses subor­don­nés qu’il ne consi­dère pas trop mal : “C’est ma Némé­sis à moi. Je paye…” Tou­te­fois, cela ne l’empêche pas de jouer avec la léga­lité avec une faci­lité décon­cer­tante, fran­chis­sant allè­gre­ment, lorsque l’occasion se pré­sente, les limites de l’honnêteté.
Mais, peu à peu, appa­raît der­rière cette atti­tude détes­table un carac­tère com­plexe nourri de souf­frances et d’émotions dif­fi­ciles à vivre. Ce héros est inté­res­sant à suivre dans ses che­mi­ne­ments erra­tiques, déchiré entre la volonté de faire régner une cer­taine jus­tice et ses sen­ti­ments contra­dic­toires qui l’amènent à affi­cher cette per­son­na­lité extérieure.

L’auteur aurait-de sérieux griefs contre la popu­la­tion poli­cière ita­lienne pour dépeindre aussi néga­ti­ve­ment celle-ci dans son roman ? Peu d’individus échappent à cette des­crip­tion cala­mi­teuse. Par contre, il émet des idées inté­res­santes quant aux hommes poli­tiques. Pour­quoi ne pas faire comme au foot­ball, ou dans d’autres sports, aller cher­cher les meilleurs quelle que soit leur ori­gine pour for­mer une équipe gou­ver­ne­men­tale de qua­lité et non des groupes qui donnent l’image « d’un pays de poli­chi­nelle » ?
Piste noire donne très envie de retrou­ver ce héros au sombre carac­tère pour essayer d’en savoir plus sur sa car­rière poli­cière et les rai­sons de son attitude.

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serge per­raud

Anto­nio Man­zini, Piste noire (Pista Nera), tra­duit de l’italien par Samuel Sfez, Denoël, coll. “Sueurs froides”, mars 2015, 256 p. – 20,50 €.

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Filed under Pôle noir / Thriller

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