Eloge de Joël Hubaut par François Coadou
Avec Hubaut, l’artiste héros fait place à l’histrion. Il rappelle à bon escient que la vie n’est pas qu’un leurre et que la mort n’est pas un Shakespeare. Nous pouvons enfin entrer dans le non stratifié à la jonction de divers mouvements iconoclastes. A l’énonçable se mêle un visible et vice-versa. François Coadou, artiste lui-même, propose une vision pertinente du « charme » ironique de l’œuvre de Joël Hubaut, maître en l’art de jouer des stéréotypes. Dans un monde si incertain, le sien l’est encore plus mais il faut s’accrocher aux détails, aux fragments, aux lambeaux de l’artiste. C’est peut-être tout ce qui reste, tout ce qu’on ne pourra jamais espérer à travers des objets du quotidien comme autant de traces obviées. Certes, l’angoisse n’est jamais loin. Des scènes qui pourraient être d’Eros tournent au vinaigre. Un élément trouble s’immisce comme par un jeu de collage et de langage.
Peintures, objets, photos ou vidéos créent des “électrochocs ludiques”. Le sucré tourne au sel. Face aux Kandinskieurs et à ceux pour qui la ligne et le noir et blanc délimitent des champs, Hubaut invente des espaces qui atteignent une puissance de dégénérescence nécessaire. Il crée des distorsions capitales capables de faire piquer du nez à une idée sentencieuse de l’art. Ses installations offrent les structures d’un nouvel imaginaire qui échappe aux catégories connues. Les codes y sont tournés en ridicule et leur cérébralité aussi. En contemplant les œuvres et les installations de l’artiste, il est facile de penser que la plus belle relation sexuelle est celle qu’on ne peut pas avoir. Seuls les cadavres jouissent d’une raideur que même Rocco Sifredi ne peut espérer. Hubaut ne cesse donc d’accorder à l’art les derniers outrages en entretenant une obsession portée bien plus à l’humour qu’à l’amour.
jean-paul gavard-perret
François Coadou, Joël Hubaut. Un éloge de l’impureté, ENd éditions, 2015.