Elina Brotherus, Artist and her model

La femme et son image

Par la pho­to­gra­phie, Elina Bro­the­rus reprend l’esthétique et les thé­ma­tiques (prin­ci­pa­le­ment le por­trait) de la pein­ture figu­ra­tive clas­sique. Tra­vaillant autant lumière et cou­leurs que la com­po­si­tion, l’artiste pousse plus loin les ques­tions fon­da­men­tales de l’image. Si la “déco­ra­tion” où elle situe son modèle garde une impor­tance, chaque pho­to­gra­phie a bien d’autres buts que l’ornemental. Urbaine dans ses choix de « shoo­ting », elle évite pour autant les lieux trop sur­char­gés de mou­ve­ments. Elle pré­fère la péri­phé­rie de Bruxelles ou des inté­rieurs là où les per­tur­ba­tions sont moins nombreuses.

Des pre­mières séries d’autoportraits intimes et nar­ra­tifs, l’artiste est pas­sée par la média­tion du modèle. Lequel devient com­pa­rable à celui du peintre clas­sique. Si l’esthétique chez la créa­trice demeure iden­tique, le pro­pos évo­lue. Dans des pho­to­gra­phies telles que “I hate sex” ou “Divorce Por­trait” sur­gis­saient une his­toire induite par le titre. Désor­mais — et avec des titres plus ano­nymes (“Fille aux fleurs”, “Hori­zon”, “L’artiste et son modèle”) -, Elina Bro­the­rus s’oriente vers une cri­tique d’un art jusque là aux mains des hommes. Chez eux, la nudité était propre au modèle et l’habit réservé à l’artiste mas­cu­lin. Cela indui­sait une forme de sou­mis­sion que l’artiste rompt.
Elle pro­pose par ailleurs une psy­cho­lo­gie renou­ve­lée du por­trait en ques­tion­nant les sens pos­sibles de l’identité indi­vi­duelle et les dua­li­tés existentielles.

La pho­to­graphe explore les rap­ports entre le corps et l’esprit, le monde phy­sique et le domaine spi­ri­tuel. Par­tant d’un trou­blant mélange de peurs et de fas­ci­na­tion, l’artiste asso­cie des élé­ments issus du réel à une part de fic­tion pour sug­gé­rer une alter­na­tive à la fin iné­luc­table du por­trait. Le spec­ta­teur ne peut man­quer de s’interroger sur l’attirance que pro­duisent ces por­traits. Ils confrontent à un sujet tel que la soli­tude. La créa­tion visuelle pas­sant de l’archive per­son­nelle à une sai­sie plus dis­tan­ciée tente donc de rendre compte de l’irreprésentable et explore les limites qui confrontent cha­cun à une his­toire dont il ignore tout.

Lire notre entre­tien avec l’artiste

jean-paul gavard-perret

Elina Bro­the­rus, Artist and her model, textes de Susan Bright et Timo Kela­ranta, Edi­tions La Caillou Bleu, Bruxelles, 2015, 224 p. — 49,00 €.

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