Eva Stenram, The London Open 2015

Les apo­ries d’Eva Stenram

Basée à Londres, l’artiste sué­doise Eva Sten­ram acquiert pro­gres­si­ve­ment une enver­gure inter­na­tio­nale : on la retrouve au Vic­to­ria & Albert Museum (Royaume-Uni), au Seoul Museum of Art (Corée du Sud), au Bhau Daji Lad Mum­bai City Museum (Inde), à Arles ou encore en Cali­for­nie. L’artiste ne cesse de détour­ner de vieilles pho­tos de pin-up des maga­zines de charme des années 50 et 60 dans les­quels les femmes posent dans des décors d’intérieurs “middle-class” ou devant rideaux et ten­tures. Des femmes, il ne reste que des par­ties : par­fois elles sont cachées aux trois-quarts, par­fois la Sué­doise n’en garde qu’une jambe gai­née d’un bas et d’un talon haut. Le décor passe au pre­mier plan selon une série de retouches astu­cieuses.
L’équilibre de chaque pho­to­gra­phie est irri­tant puisqu’il s’érige au ser­vice d’un dés­équi­libre. Sa sur­face agace non par les acci­dents qu’elle com­porte — elle est à l’inverse lisse — mais parce qu’elle fait de la femme une presque absence ou une ambi­guïté. Par­frois, la jambe peut évo­quer une simple pro­thèse allon­gée sur un lit, un divan ou le par­quet. Dès lors, l’Eros est « souf­flé » au pro­fit de Tha­na­tos. Bref, la vie est là mais la mort aussi. La pré­sence et l’absence idem.

L’artiste s’empare de la légè­reté « clas­sique » de la jambe pour créer un espace où joue le manque. Le tout dans une vir­tuo­sité qui cepen­dant cultive la pro­fon­deur plu­tôt que la verve. Sur­gissent le ver­tige et pour­tant la luci­dité, l’acuité par delà la sen­sa­tion même que chaque œuvre pré­sente. Elle offre un céré­mo­nial délé­tère de re-montrance. Regar­dant avec atten­tion de tels tra­vaux, le spec­ta­teur est pro­jeté dans le trouble puisque Eva Sten­ram indique le seuil d’un lieu où « l’objet » et le regard se perdent. La femme — du moins ce qu’il en reste — devient la proche et la loin­taine, la vul­né­rable et l’inaccessible. Sa pré­sence per­dure sans pour autant effa­cer les pen­sées de néant.

jean-paul gavard-perret

Eva Sten­ram, The Lon­don Open 2015, The Whi­te­cha­pel Gallery’s Trien­nial exhi­bi­tion, 15 July-16 Sep­tem­ber 2015.

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Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Erotisme

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