L’image mouvement et la tentation du visible : Davila « lecteur » de Claerbout.
Chez Claerbout – et Davila le montre parfaitement -, la Tentation du visible passe par excès d’ombre plus que de luminosité. Ce ne sont pas les choses vues qui donnent aux images de l’artiste une poussée créatrice. Elles ne sont pas faites pour commémorer ni pour rapatrier vers un eden artistique. Elles ouvrent le monde une profondeur particulière. En aucun cas le créateur ne les réduit à de petits traités d’archéologie du fugace. Il écarte la tentation du raffiné en préférant l’épure d’un langage qui nous ramène dans l’ici-bas de notre inconscient où s’ébrouent les multiples avatars encore non mis à nu de nos désirs et de leur revers et de la nostalgie insécable de l’origine dont Claerboult malaxe l’écume.
De plus, l’artiste a compris qu’il ne faut jamais rechercher le prétendu marbre de l’identité supposée de l’image (quelle soit mouvante ou fixe) mais sa terre friable ; celle qui nous fait face dans le réel comme dans l’illusoire (du support écran ou page) au sein d’un jeu de pistes dont on connaît ni le point de départ (est-ce la fameuse “nuit sexuelle” dont parle Quignard ?), ni celui d’arrivée. L’image chez le créateur belge ne mène pas où l’on pense accoster. Thierry Davila (entre autres historien de l’art et conservateur au Mamco) le montre. Il descend dans les arcanes de l’œuvre, là même ou Claerbout n’a pas peur que la terre lui manque et ne craint pas sa force de gravité. C’est sans doute pourquoi ses œuvres “ creusent ” le monde et font exploser les corps qu’elles exposent.
jean-paul gavard-perret
Thierry Davila, Shadow Pieces (David Claerbout), Edition bilingue (français / anglais), Mamco, Genève, 2015, 192 p. –28,00 €.