Marylin Minter : Les infantes d’eau
Marylin Minter renverse les standards de représentation de l’intimité féminine. Celle-ci brille par effet aqueux. Il n’existe pas d’éléments contondants pour l’importuner. Tout se joue entre sens et essence selon une poésie aussi radicale (a priori) que décalée par effet de buées. D’une certaine manière, Eros fait le vide autour de lui. Il ne conduit à rien. Il conduit à tout. La fleur est là saisie avec attention et tendresse. Elle est à peine effeuillée. Demeure son mystère. Il ne s’agit pas de l’envahir.
La femme garde son entité et sa liberté. Le voyeur ne reste que sur le seuil du monastère de la sultane, du lupanar de l’abbesse. La nudité n’est pas promise : elle fait juste l’objet d’une enquête glissée par filets d’eau. L’égarement n’est que suggéré là où les poils pubiens brillent de leur feu.
La femme nue est sans doute plus Diane que chassée. Fée d’Egypte aussi que ses propres mains étoilent. Elle reste toujours libre de reprendre le large quand le soleil jacasse contre les vitres de sa salle de bain. Une telle fleur n’est plus un festin pour le voyeur : elle reste l’invisible partition où se jouent les accords de l’impalpable quand l’eau coule sur le corps que nul ne peut toucher sinon dans le secret de certains songes qui soudain, aux abords d’un gué, sonnent creux.
La séduction absorbe le regard, surprend l’œil et l’esprit selon de nouvelles « normes », des étonnements simples, des satiétés délicates, des « échanges » doux et graves dont les frissons de tendresse sont réservés uniquement à celles que n’altèrent en rien les caprices des instants et font surgir ce qui souvent est empêché. Modèle et opératrice deviennent l’une l’initiatrice, l’autre la Sphinge. Son écriture plastique est merveilleuse car légère et profonde : c’est une caresse filée.
jean-paul gavard-perret
Marylin Minter, Plush, Fulton Rider Editions, New-York, , 2015.