Julie Kibler, Les couleurs de l’espoir

Le cœur sait tou­jours voir au-delà des apparences

Quand Isa­belle Mc Allis­ter, pim­pante octo­gé­naire amé­ri­caine, demande à Dor­rie Cur­tis, sa coif­feuse et confi­dente depuis dix ans,de la conduire jusqu’à Cin­cin­nati pour des funé­railles, Dor­rie ne cache pas sa sur­prise. Mais Dor­rie s’empresse d’accepter car son affec­tion pour Made­moi­selle Isa­belle est pro­fonde. Tout les sépare pour­tant : L’une est blanche (Isa­belle), l’autre est noire (Dor­rie). La pre­mière est en retraite depuis long­temps, la seconde exerce tant bien que mal la pro­fes­sion de coif­feuse dans son propre salon. Dor­rie a plu­sieurs enfants et un nou­veau petit ami, alors que la famille d’Isabelle s’est éloi­gnée d’elle et a en par­tie dis­paru. Alors qui peut bien être la per­sonne dont Isa­belle porte le deuil ? Quels secrets cache-t-elle ?  Le voyage de plu­sieurs jours qui va ame­ner les deux femmes à tra­ver­ser une grande par­tie des Etats-Unis va être l’occasion pour Isa­belle de racon­ter son his­toire d’amour impos­sible, créant ainsi avec Dor­rie une com­pli­cité inébranlable.

Ce pre­mier roman de Julie Kibler a rem­porté tous les suf­frages dès sa sor­tie aux Etats-Unis en 2014. L’auteure nous livre ici deux his­toires en une : une his­toire d’amour tout d’abord nar­rée par Isa­belle elle-même dans de nom­breux fla­sh­backs. Où est l’originalité, me direz-vous ? Cette romance débute dans les années 30 et 40 au siècle der­nier sur fond de ségré­ga­tion. Sha­ler­ville est une petite ville du Sud où les com­mu­nau­tés noire et blanche ne se côtoient pas, ou juste autour d’une table quand les uns servent les autres. Quand Isa­belle tombe amou­reuse à dix-sept ans de Robert, le fils de sa ser­vante noire, il va vite deve­nir très dif­fi­cile pour eux d’assumer cette rela­tion au grand jour. Impos­sible d’échanger un bai­ser ou de se tenir la main en public, et bien sûr impos­sible pour un noir d’espérer épou­ser une blanche un jour, alors que le racisme et les traces d’un passé escla­va­giste sont des obs­tacles au quo­ti­dien.
En paral­lèle se déve­loppe une seconde his­toire, nar­rée cette fois-ci par Dor­rie de nos jours, une his­toire d’amitié forte et sur­pre­nante. Les secrets qu’Isabelle lui révèle en pre­nant la route amènent Dor­rie à réflé­chir sur ses propres choix de vie, et elle va défi­ni­ti­ve­ment nouer des liens indes­truc­tibles avec celle qui était déjà un peu plus qu’une cliente.
Julie Kibler s’est ins­pi­rée de sa propre his­toire fami­liale, plus exac­te­ment du passé de sa grand-mère pour créer ses per­son­nages. Une fois les pre­miers cha­pitres pas­sés, l’émotion s’installe à chaque page, la tris­tesse de voir des vies gâchées par l’intolérance et la haine nous sai­sit. Rien de trop ! Tout est sub­til, sin­cère et on regret­te­rait par­fois de ne pas en apprendre davan­tage sur l’époque ségré­ga­tion­niste. Il est cer­tain que ces deux femmes vont vous tou­cher et que vous aurez l’impression d’être la troi­sième per­sonne embar­quée dans ce voyage. Un roman qui sera bien­tôt porté sur nos écrans, une réus­site lit­té­raire en tout cas !

franck bous­sard

Julie Kibler, Les cou­leurs de l’espoir, Pocket, 2015, 471 p. — 7, 70 €.

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