L’apprentissage de la sagesse
Quand les êtres tombent, Françoise Favretto les parle. Sans le moindre pathos. De situations parfois dérisoires et drôles, mais le plus souvent graves, surgissent ses récits et ses nouvelles. L’auteur n’a pas besoin de longs espaces pour tracer des parcours de manière radicale, juste, directe. Parfois avec une forme de retenue (dans “Les fugeurs” par exemple). Il existe du sentiment mais jamais de facilité. L’auteure sait sortir de leur larve les êtres quelque que soit leur statut : réfugiée, adolescentes en dérives, faux criminel. Tous prouvent que notre connaissance de l’humain est superficielle. Pour autant, Françoise Favretto ne cherche pas forcément à emboîter des raisons, à tirer des ficelles. Elle parle de situations qui se vivent plus ou moins bien et toujours dans un certain déséquilibre à travers le forage de fictions behaviouristes. Elles se terminent sur une forme d’ouverture en abîme.
Tout, avant d’arriver à ce point, joue sur la restriction, la ségrégation et la modulation très fines au sein de la construction de chaque texte. Celui-ci offre aussi bien une rupture qu’un sillon ou une démarcation en profondeur. Le lecteur devient presque à son insu complice de personnages agissant de bric ou de broc le plus souvent. Mais la succession des rapports discordants avec des vides et des pleins crée la jointure entre des textes a priori éloignés et que rien, pourtant, ne peut séparer. Il existe là un paradoxal apprentissage de la sagesse : celle de l’auteure plus que des personnages. Elle les établit, les installe dans des brisures qui les font « aller ligne » comme disait Michaux plus qu’en droite ligne.
Jean-Paul Gavard-Perret
Françoise Favretto, L’arrachoir 2, Atelier de l’Agneau, Saint Quentin de Caplong, 2015, . 70 p. - 14,00 €.