Bohumil Kaspa, Du riquiqui dans les mictions

Bohu­mil Kaspa : fuites en immixtions

Etres libres : voici un livre fait pour vous : il est à pis­ser de rire et est le fruit vert et salace d’un auteur qui n’existe pas : sinon en tant que nègre (blanc) de ses quatre tra­duc­teurs : Domi­nique Antin, Chris­toph Bru­neel, Jacky Legge, Anne Letoré. Le roman semble fait de bric et de broc puisqu’il mixe des­sins, décors, chan­sons, dia­logues, per­son­nages hauts en cou­leur et en appé­tits libi­di­naux, éro­tismes rocam­bo­lesques, essais sur l’art et l’amour, théâ­tra­li­sa­tions et Grand-guignol. Il sent fort le sexe et la mort subite (enten­dez bien sûr la bière du même nom) : les deux s’essuient avec le papier de cor­net à frites.
Quoi de mieux pour retrou­ver l’esprit de l’art et la lit­té­ra­ture du pays dit (faus­se­ment) plat : à savoir l’irrégularité. L’atelier d’un tel « roman » reste son propre ventre : tendre matrice et chau­dron de sor­cière. Y germent et fer­mentent des désirs. Retom­bés et flam­bés, ils sont le caprice des dieux mor­tels — tan­tôt magiques, tan­tôt cafar­deux. Textes et images induisent ou détournent, décou­ragent ou embrassent. Des cro­quis balisent le che­min vers les corps denses, leurs phal­lus dres­sés et les femmes qui les attendent en oubliant leur café bouillu qui sera foutu. Mas qu’importe. Un fond de souille rehausse accords et désac­cords et répond de manière intem­pes­tive à l’impossible ques­tion du “qui suis-je” ? Ici le corps de la mère Michelle (qui n’a jamais perdu son chat) attend celui qui le minera.

Que deman­der de plus à la lit­té­ra­ture ? Elle recouvre ici des forces res­sus­ci­tées sans savoir où elle va. Les mots encerclent l’absence, violent l’indicible, se moquent des chas­te­tés intel­li­gibles. L’auteur — ou ceux qui en tiennent lieu — ne mûrit pas les fan­tasmes, il fait mieux. Il les méta­mor­phose dans des pro­po­si­tions phos­pho­res­centes comme si jusque là nous avions trop vécu dans l’air qui s’est soli­di­fié autour de nous comme du béton. Pour nous en déga­ger, les mic­tions du riqui­qui débordent de toute part. Désor­mais, il n’y a pas besoin d’ascenseur, de fusée ou d’escalier pour s’envoyer au ciel. L’humour décharge aussi vite qu’un éja­cu­la­teur précoce.

jean-paul gavard-perret

Bohu­mil Kaspa, Du riqui­qui dans les mic­tions,  L’âne qui butine, Col­lec­tion Sco­lo­pendre, Mous­cron, Bel­gique, 2015 — 25,00 €.

Leave a Comment

Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Erotisme, Poésie

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>