Une mécanique (trop ?) bien huilée
On ne compte plus les « nouveaux » Harlan Coben. Si ce n’est chaque année, du moins ses adeptes ont-ils droit à un opus régulièrement. Et comme pour tous les auteurs également prolifiques, comme pour les réalisateurs attendus, l’on constate qu’il y a les bons et les moins bons crus. Tu me manques, la récolte 2015 du moins dans sa traduction française, se situe plutôt dans le haut du palmarès.
Alors que Kat Donovan se débat entre le deuil difficile de son père – huit ans déjà et elle n’a toujours pas tourné la page, faute de connaître la vérité qui se cache derrière l’assassinat de son flic de père – et la perte de l’amour de sa vie, Jeff – dix-huit ans et là non plus elle n’a pas réussi à faire une croix dessus, si brutale et incompréhensible que fut la rupture. Alors quand l’assassin officiel de son père meurt et que la meilleure amie de Kat l’inscrit sur un site de rencontres, on pourrait penser que la jeune femme va enfin pouvoir aller de l’avant. Eh bien non, au contraire. Dans un domaine comme dans l’autre, l’enquêtrice va se trouver plongée jusqu’au cou dans ces deux histoires majeures et non élucidées de sa vie.
À la façon d’Harlan Coben, c’est-à-dire à petits, tout petits pas, en commençant par soigneusement nous enfoncer la tête dans les sables mouvants pour mieux nous en tirer très, très lentement, l’histoire se déroule au fil des quelques quatre cent pages. Car oui, on le sait, cet auteur tient parfaitement les fils de ses intrigues, il sait user des ficelles du genre – suspense grandissant, indices distillés au compte-goutte jusqu’au dénouement, angoisse qui monte, qui monte, pour atteindre un final en apothéose – sans exagération, car ce roman-là possède les dernières cinquante pages les plus palpitantes qu’il m’ait été donné de lire chez cet auteur. Le tout saupoudré de ce qu’il faut de sadisme, d’humour, de violence et bien sûr, d’amour.
Une machine bien huilée, donc, si ce n’est que l’on finit par voir venir de loin les thèmes de prédilection d’Harlan Coben – le passé qui ressurgit, les histoires d’amour avortées mais pas terminées notamment. De là à dire que le maître se répète, sur le fond comme sur la forme… Mais après tout, pourquoi changer une équipe qui gagne, me direz-vous ? Eh bien, peut-être par souci de se renouveler, pour éviter de finir par lasser, voire exaspérer, par exemple.
agathe de lastyns
Harlan Coben, Tu me manques, traduit de l’anglais (États-Unis) par Roxanne Azimi, Belfond, mars 2015, 414 p. - 20,95 €.