Marion Tivital mène l’hyperréaliste vers une forme de fiction du réel. Silos de grains et usines construisent un monde parallèle dans la manifestation même du visible. Le tout entre poésie et frustration. L’artiste crée des phosphorescences mystérieuses et pâles sur les « ruines » du réel où se redessine une architecture industrielle qui de fait reste dans sa grandeur une modification superficielle qui ne sert qu’à rehausser le paysage décentralisé, suburbain voire campagnard.
Marion Tivital invente des perspectives inédites. Elles évitent à la fois l’enthousiasme ou le catastrophisme. Le jeu de la proximité et de la distance est donc complexe. Il crée une dimension accrue et modifie la perception du réel. Le paysage est donc optimisé pour le pire ou le meilleur par des « chancres » aussi poétiques que critiques.
Œuvres de Marion Tivital en permanence aux galeries GNG (Paris), Guido Romero Pierini (Paris), Pascal Polar (Bruxelles), Jack Fischer (San Francisco), Ducastel (Avignon), Albane ( Nantes)
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
L’envie d’agir …et de prendre mon petit déjeuner !
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Réalisés pour le principal, puisque je rêvais d’être peintre, ce que je suis devenue malgré une trajectoire indirecte.
A quoi avez-vous renoncé ?
A ne pas être moi, même si cela aurait été « mieux ».
D’où venez-vous ?
Du ventre de ma mère.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Un goût aigu pour la rêverie et une faculté (horripilante pour mes proches) à m’évader dans un autre monde.
Qu’avez vous dû “plaquer” pour votre travail ?
La sécurité et la « normalité », qui de toute façons ne me satisfaisaient pas…
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Sentir le pinceau de peinture à l’huile glisser sur la toile.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres peintres ?
Nous sommes tous différents et je ne pense pas qu’il y ai « les autres et moi ». Ma façon de procéder me fait souvent me faire sentir un peu « dinosaure » par rapport aux autres peintres contemporains .Mais chacun fait ce qu’il peut avec ce qu’il a !
Quelle fut l’image première qui esthétiquement vous interpela ?
Le tableau « l’astronome » de Vermeer, au Louvre.
Et votre première lecture ?
« Les Misérables » de Victor Hugo, livre que j ai beaucoup lu enfant, dans les larmes !
Pourquoi votre attirances vers le paysage ?
Les paysages nous renvoient à nous-mêmes, ce sont des lieux de rêverie où j’aime vagabonder.
Les paysages sont des fragments du monde.
Et ils sont porteurs d’une sorte d’histoire dont l’homme fait partie. D’ailleurs, ce sont les paysages construits qui m’intéressent le plus, car on y retrouve la trace de la main humaine, avec toute sa beauté, son absurdité et parfois sa démesure. Le rapport entre les formes géométriques des constructions et leur environnement, l’intégration improbable et lente de ces masses dans le paysage sont pour moi source de contemplation et de questionnements.
Mais je ne sais pas vraiment pourquoi. J’aime beaucoup cette phrase de Beckett au sujet de Bram Van Velde : « C’est dire cela sans savoir quoi, c’est à dire sans sans savoir quel est le mystérieux cela ».
Quelles musiques écoutez-vous ?
Arvo Pärt, les gnossiennes d’Eric Satie, les suites pour violoncelles de Bach, Marin Marais , Miles Davis, Michel Petrucciani, Moriarty, Denez Prigent, Lassa etc… et aussi pour travailler des bandes-sons de bruits de la nature.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Matisse : «Ecrits et propos sur l’art ».
Quel film vous fait pleurer ?
Presque tous …et surtout le journal télévisé !
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Le temps qui passe.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Aux artistes ou écrivains que je ne connais pas mais que j’admire en silence.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Venise.
Quels sont les artistes dont vous vous sentez le plus proche ?
Dans les contemporains : Alexandre Hollan, Luc Tuymans, Michael de Kok.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Des solutions à mes recherches en peinture et du temps.
Que défendez-vous ?
La sincérité et le droit à la lenteur.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Pour moi, c’est donner quelque chose qu’on ne pensait même pas avoir à quelqu’un heureux de le recevoir et qui lui même donne quelque chose qu ‘il ne pensait pas avoir.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
J’adore Woody Allen et ses répliques absurdes. J’ai un sens aigu de l’absurde, et aussi du pathétique !
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Vous en avez déjà posé bien assez !))
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 24 mai 2015.
J’adore les propos de cette femme peintre (très rare).
Son humour est adorable
Malheureusement, je ne connais pas ses peintures