Les lecteurs qui ne connaissent pas encore Starewitch (1882–1965), l’un des rares génies de l’animation, n’aurons sans doute jamais une occasion meilleure que ce coffret de découvrir son œuvre – admirée, soit dit en passant, par Terry Gilliam, Jan Svankmajer, les Frères Quai, Tim Burton et maints autres cinéastes qui s’en sont copieusement inspirés.
Restaurés et réédités sous la direction de Léona Béatrice Martin-Starewitch (la petite-fille du cinéaste) et de François Martin, se trouvent réunis ici la plupart des chefs-d’œuvre de ce maître. Certains des films choisis pour le coffret sont des plus célèbres, comme Les Fables de Starewitch, d’après La Fontaine, ou la série des aventures du chien Fétiche, dont la superbe version intégrale de Fétiche Mascotte, intitulée Fétiche 33–12 (ces chiffres renvoient à l’année où le film fut réalisé et à celle où son montage initial a été reconstitué). D’autres sont méconnus, mais dignes de la réputation de leur auteur, notamment la série Nina Star (c’est le pseudonyme de Jeanne, l’une des filles du cinéaste) et Amour noir et blanc où apparaissent, mués en marionnettes, Chaplin, Mary Pickford, Tom Mix et d’autres gloires du cinéma muet.
Ce qui frappe le plus le spectateur actuel, chez Starewitch, c’est l’inventivité qui semble inépuisable – qu’il s’agisse de créer des marionnettes d’une diversité phénoménale, ou de mêler les prises de vue réelles, l’animation et le dessin animé – et qui se combine avec une palette émotionnelle des plus étendues. Le mièvre en est exclu ; le mélodramatique ne s’y manifeste que rarement, grâce à quoi aucun de ces films n’apparaît comme obsolète ; l’humour est omniprésent, se combinant ou alternant avec toute la gamme qui va du touchant au poignant. Cette richesse de la forme et du contenu destine la plupart des films à un public adulte, le seul capable d’en goûter toutes les qualités, même si l’on peut parier que bon nombre d’enfants vont s’en régaler à leur manière. A ce propos, je vous suggère de visionner le coffret d’abord entre adultes, pour juger de ce qu’il conviendrait de montrer aux petits : les plus sensibles pourraient être heurtés, par exemple, par l’aspect visuel assez effarant des insectes de Starewitch (volumes 1 et 2) ou bouleversés par le contenu du Lion devenu vieux (volume 3), d’après La Fontaine – sans doute le plus poignant et le plus désabusé des chefs-d’œuvre du cinéaste.
Mon seul regret à propos de ce coffret qui regorge de trésors, bonus compris, c’est qu’on n’y trouve pas le sublime Roman de Renart, que Doriane Films avait édité en 2000. A quand une nouvelle édition restaurée ?
agathe de lastyns
Ladislas Starewitch, 1882–1965„ cinquantième anniversaire, coffret de 5 DVD, Doriane Films, mai 2015, 496 min., — 26,99 €.
Madame, Je suis absolument ravi de votre commentaire des films de L. Starewitch, surtout sur le fait de proposer ces films d’abord aux adultes mieux à même d’en percevoir “toutes les qualités” et ensuite aux enfants dont certains pourrait être effectivement un peu effrayés. Le plus souvent on lit l’inverse. Votre regret concernant “Le Roman de Renard” va bientôt être comblé. Nous sommes en train de préparer une nouvelle édition DVD de la nouvelle version restaurée (nouvel étalonnage… meilleur son) telle qu’elle a été présentée dans la cour du Musée-Château d’Annecy lors du festival de juin 2014 avec une grande surprise en bonus. Ce DVD devrait être disponible au cours de l’année 2016. Bien à vous. François Martin