Alison Bignon : le minimalisme en cavale
Alison Bignon n’a cesse de rechercher - par inclusions, intersections — des assemblages susceptibles de devenir des suites de mises en évidence dans un ordre où réel et imaginaire se côtoient et s’entrecroisent. Des fragments agencés surgit une conjugaison la moins prévisible, la plus incertaine mais la plus probante aussi et qui n’est jamais dénuée d’humour. La peinture ouvre par la figuration à des lieux méconnus, décalés. De ces mises en “ scène ” se déclinent et se dégagent des traces par la présence effective des corps. Par des gestes apparemment élémentaires, l’artiste nous ramène à l’essentiel pour laisser celui ou celle qui contemple ses oeuvres un champ ouvert à sa liberté d’errer.
L’œuvre offre quelque chose à la fois de lisse que de compliqué, de primesautier mais de sérieux. En dépit de sa volonté majeure de structurer sa matière, Alison bignon ne cherche pas à mettre d’ordre : elle entre dans l’intouchable. Son langage est fait de pénétration et de langueur, de faille et de présence et propose une fête minimaliste. La créatrice touche, palpe ce qui nous lie et nous délie, nous rapproche et sépare (forcément). Est atteinte de ce fait la déhiscence du monde sans, néanmoins, produire des effets de déréliction.
Surgit d’un tableau à l’autre l’extase d’une “ simplicité” travaillée. Nous allons vers une zone inconnue des rives qui d’ordinaire ne se laissent pas atteindre. La douceur comme la violence ne sont plus des aveux qui coûtent à dire, au contraire. Elles restent plus anciennes que les mots dont on pourrait maladroitement les enrubanner. Ce n’est donc pas seulement une pensée qui emporte chaque oeuvre mais une force douce mais dérangeante. Elle fait sortir de l’engourdissement d’un demi-sommeil visuel afin de nous laisser pénétrer en un pays ignoré, un pays antérieur à la conscience à l’image des contrées incertaines qui précèdent toute action dans nos rêves.
jean-paul gavard –perret
Alison Bignon,
- Fragments, De Re Galerie, Los Angeles (USA), 2015
- Carte blanche à Alison Bignon au théâtre Rutebeuf de Clichy, 1er semestre 2015.