Les méandres de la diplomatie de l’Ancien Régime
Le moins que l’on puisse dire à propos du livre de Jean-Pierre Miquet, c’est qu’il sort des sentiers battus. Tous ceux s’intéressant à l’histoire des dernières années de l’Ancien Régime, de Versailles et de ses princes connaissent les problèmes « techniques » dont souffrit Louis XVI pour consommer son mariage. Une petite opération lui permit de lever l’obstacle et de réaliser le but de son mariage avec Marie-Antoinette : donner à la Couronne des héritiers. C’est cette thèse inscrite dans le marbre que Jean-Pierre Miquet met en pièces.
Selon lui, l’absence de consommation du mariage relève d’abord d’un refus total et obstiné de Louis XVI. Le dauphin reçoit sa jeune épouse comme une sorte d’espionne au service du clan pro-autrichien dirigé par Choiseul et en conçoit une exécration profonde pour elle. D’où l’abstinence totale. Puis, le jeune roi passe à l’étape de l’humiliation en se contentant de pénétrations immobiles. Ainsi pourrait s’imposer l’idée d’une stérilité de la reine, meilleure justification pour un renvoi en Autriche. Ulcérée, Marie-Antoinette se refuse alors à son époux et s’engage dans la vie légère de Versailles qui lui fera tant de mal dans sa relation avec ses sujets.
Sur quoi reposent les affirmations de Jean-Pierre Fiquet ? Bien que de formation de juriste, il adopte la démarche de l’historien, en tout cas celle que tout historien devrait avoir : il part dans les archives. C’est à Vienne qu’il trouve le dossier de la correspondance de Mercy-Argenteau, l’ambassadeur d’Autriche à Versailles. Ses lettres ont été publiées au XIXe siècle mais d’une manière expurgée. Ainsi une réalité différente surgit de ces lettres que Mercy fit recopier afin de contrecarrer la thèse que l’empereur Joseph imposa à son profit : c’est suite à son voyage à Versailles que Louis XVI se fit opérer.
Nous laissons les spécialistes de Louis XVI et de Marie-Antoinette répondre de la validité ou non de cette thèse. Ce qui nous apparaît certain, c’est que le livre de Jean-Pierre Fiquet ne se limite pas à une petite histoire scabreuse. Il nous plonge dans les méandres de la diplomatie de l’Ancien Régime, dans les luttes de clans, dans le débat de politique étrangère que suscita l’alliance autrichienne et éclaire la personnalité de Louis XVI sous un jour nouveau. Le roi apparaît comme un homme dur, prêt à humilier sa femme pour défendre ses intérêts et sa vision politique. A lire donc pour en discuter!
frederic le moal
Jean-Pierre Fiquet, Le mariage forcé ou Marie-Antoinette humiliée, préface de Gonzague Saint Bris, Tallandier, avril 2015, 330 p. — 20.90 €.