Les cartes du destin révèlent parfois des mauvaises surprises
Keisha Ceylon essaie tant bien que mal de vivre de ses dons de voyance. Avec un enfant à charge, un compagnon chômeur, inutile et très irritable, elle n’a pas d’autre choix que de monnayer ses services auprès de veuves éplorées, d’hommes en quête d’amour, de familles désespérées. Pas besoin de tirer les cartes, ou de lire dans une boule de cristal, Keisha a des talents médiumniques. En tout cas, c’est ce ce qu’elle prétend, mais en réalité ses visions ne sont que du vent, son seul réel talent est de savoir écouter les gens pour les orienter vers ce qu’ils veulent entendre et pouvoir ainsi leur soutirer quelques milliers de billets verts.
Lorsqu’elle vient en aide à Wendell Garfield, dont l’épouse vient de disparaître, elle espère à nouveau accroître sa renommée et améliorer ses fins de mois de plus en plus difficiles. La femme de Wendell n’est jamais rentrée du supermarché, et son passage à la télévision accompagné de sa fille Mélissa, fait de lui une proie idéale. Keisha réussit à convaincre Wendell d’accepter son aide, mais cette fois-ci, la soi-disant voyante frôle d’un peu trop près la vérité, et sa dernière prétendue vision pourrait bien s’avérer la dernière !
Le talentueux et prolixe américo-canadien Linwood Barclay est de retour. Cette fois-ci, il nous livre les aventures cocasses d’une prétendue voyante aux prises à une réalité sordide. Comme à son habitude, il met en scène son personnage principal avec beaucoup d’humour (noir bien sûr), mais ne nous épargne en rien une certaine réalité. Il dénonce avec conviction le marché juteux que peut être la voyance, où beaucoup d’escrocs profitent de la détresse de personnes sensibles à certains moments de leur vie. Mais pour Keisha, le moment est cette fois-ci mal choisi, et elle se retrouve bien malgré elle impliquée dans une enquête policière dangereuse. L’héroïne peut parfois énerver le lecteur, mais aussi le toucher, car elle élève quasiment seule un jeune enfant, et doit supporter un compagnon des plus désagréables. Ses prétendues visions lui servent juste à fuir son quotidien, et on est bien loin de certaines figures du ‘cercle’ assez vaste des voyants très médiatisés un peu partout dans le monde. Il est certain que la morale est à oublier ici, et il vaut mieux sourire de l’imbroglio de rebondissements dans lequel Keisha et les siens se retrouvent embarqués que de crier au scandale face au peu de scrupules qu’ont les personnages.
Celle qui en savait trop, dont le titre français est à nouveau un clin d’œil des traducteurs à l’œuvre d’Hitchcock, renvoie justement à l’univers de Complot de famille, dernier film du célèbre réalisateur. Il n’est cependant pas le meilleur roman de M Barclay, qui nous avait fourni de meilleurs intrigues dans Fenêtre sur crime, Cette nuit-là, Mauvaise compagnie ou Crains le pire. Un dixième roman assez court au rythme soutenu, qui présente quelques invraisemblances parfois (comme la scène du crime principal), mais qui vous fera passer un moment divertissant, et pas besoin de boule de cristal pour en être certain !
franck boussard
Linwood Barclay, Celle qui en savait trop, Belfond noir, 2015, 320 p. — 21,00 €.