Une vision décapante des États-Unis !
Ce second cycle qui reprend les principaux acteurs du Pouvoir des innocents, est mené à un rythme soutenu par un Luc Brunschwig en grande forme. Si le tome précédent mettait en lumière un mafieux exécrable, ce volume donne la vedette au candidat démocrate qui professe les mêmes idées que Jessica Ruppert, à savoir priorité aux actions sociales et aux démarches humanitaires. Celui-ci, cependant, pour avoir déclaré être opposé à la peine de mort pour Logan, se retrouve en difficultés dans les sondages au point de ne plus croire à une possible victoire face à sa concurrente, une redoutable conservatrice. Dans son discours politique, il laisse parler ses convictions évoque ses aspirations, ce qu’il veut apporter aux populations dans leur quotidien. Mais, le scénariste ne verse-t-il pas quelque peu dans l’utopie avec un Mac Arthur bardé de bons et nobles sentiments alors que les allées du pouvoir et de l’opposition ne sont qu’un horrible panier de scorpions ? Cela-dit, on peut rêver qu’un tel Robin des bois puisse, un jour, arriver à un haut niveau de responsabilités.
Simultanément, l’auteur développe des intrigues parallèles passionnantes qui renforcent le tonus du récit en les faisant se croiser, pour le meilleur et pour le pire. Ce tome, d’ailleurs, apporte un flot de révélations qui éclaire certains points mais suscite, avec Luc Brunschwig en démiurge gérant au mieux son univers, une vague de nouvelles questions.
À New York, en novembre 1997, un terrible attentat fait 508 victimes. Joshua Logan, un ancien des forces spéciales, qui lutte contre ses fantômes du Vietnâm, est accusé d’en être l’auteur. Il devient “l’homme le plus détesté de la ville” et nombre de citoyens voudraient qu’il soit exécuté. Six mois plus tard, Jessica Ruppert est élue maire de New York et applique sa politique sociale et humaniste. Quatre millions de voix se prononcent en novembre 1999, lors des derniers moments de la campagne, pour l’élection du gouverneur de l’État de New York où deux candidats s’affrontent : Meredith Bambrick, la républicaine, et Lou Mac Arthur, le démocrate. Lou a repris son habit d’avocat pour démontrer que le témoignage d’Amy, lors du procès de Joshua, n’est pas recevable. La fillette n’a pas des facultés de jugement objectives. Le juge accède à cette demande au grand soulagement de Jessica, qui ne voulait pas faire peser sur l’enfant le déferlement médiatique induit par sa qualité de témoin à un tel procès. Cela ne fait pas l’affaire de l’avocat de Logan, ni de son ami journaliste, qui espéraient bien, avec les dires de la petite, semer le doute dans l’esprit des jurés. Lucy Bulmer, une suffragette de Lou, a accepté une “baise technique” avec Domi, l’homme de main de Frazzi, pour qu’il vote démocrate. Mais Domi évolue dans ses sentiments et espère plus de la jeune femme. Alors que Lou expose, pour une dernière fois avant le vote, ses convictions intimes, qu’il parle sans langue de bois à tous ceux, nombreux, qui sont venus à son meeting, Joshua, dans sa prison se désespère. Pourtant…
Le travail mené par Laurent Hirn, qui intervient pour la mise en scène et la couleur et le superbe dessin de David Nouhaud donnent un résultat exceptionnel, offrant à la fois un dynamisme et une tonalité de sentiments et d’émotions. Une série qui se continue de belle façon, une référence en matière de bande dessinée mêlant action, politique, humanisme et la vision pragmatique d’une Amérique contemporaine sur laquelle, bêtement, l’Europe essaie de copier.
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serge perraud
Luc Brunschwig (scénario), Laurent Hirn (mise en scène, dessins additionnels et couleurs) David Nouhaud (dessin), Le pouvoir des Innocents, cycle II : Car l’enfer est ici, tome 3 : “Quatre millions de voix”, Futuropolis, février 2015, 56 p. – 13,00 €.